En devenant, grâce à de nouvelles technologies, une ressource et un produit, le corps humain est aujourd’hui un bien disponible sur les marchés sanitaires dans de nombreux pays. Cette marchandisation du corps est-elle compatible avec le statut de la personne humaine ? Faut-il y voir l’exercice d’une liberté individuelle, fondée sur le droit de propriété, ou bien une forme d’aliénation frappant les populations les plus démunies ?
Sylviane Agacinski se propose de considérer la contradiction qui existe entre l’extension dans le monde des marchés du corps humain et la valeur absolue que, sous le nom de dignité, notre civilisation et notre pays reconnaissent à la personne humaine.
Cette valeur est battue en brèche par une pensée ultralibérale qui, à la différence des libéraux humanistes de jadis, répugne à fixer des limites aux marchés, même à ceux qui font du corps humain l’objet d’une transaction marchande. Bien plus, certains idéologues « libertariens » voient dans la possibilité laissée à chacun de vendre quelque chose de son corps l’expression de la liberté individuelle : en tant que propriétaire de son corps, chacun devrait pouvoir disposer librement de ce capital.
À ces thèses, la philosophe oppose la distinction fondamentale en anthropologie comme en droit entre les personnes et les choses, la conquête historique de la dignité de la personne humaine, la différence entre le propre et la propriété, et bien sûr la violence des marchés du corps à l’égard des populations les plus pauvres.