La position géographique et historique de la Turquie la place dans une situation qui pourrait lui conférer un rôle central dans le dialogue civilisationnel entre l’Orient et l’Occident. Toutefois, il est crucial que ce pays exprime sa volonté et mobilise les ressources nécessaires pour jouer ce rôle. La question est donc de savoir si tel est le cas.
Les résultats du débat organisé par l’Institut Diderot, qui a eu lieu à la veille des récentes élections turques, sont préoccupants plutôt que rassurants. Notre invité souligne que la Turquie représente essentiellement ce qui subsiste de l’Empire ottoman, dont elle aspire à restaurer la grandeur. Cette vision néo-ottomane, teintée d’une inspiration nationale ou nationaliste, est associée à une dimension religieuse indéniable, avec l’émergence considérable de l’islamisme, allant ainsi à l’encontre de « la pensée laïque, à l’européenne, de Mustafa Kemal ».
La restauration de l’Empire est perçue par les islamistes comme une opportunité de rétablir le califat, c’est-à-dire la fusion du pouvoir politique et religieux, même si cela se fait sous l’apparence du suffrage universel. Le pantouranisme, courant politique qui vise à unir tous les turcophones à travers le monde, confère à ce projet politico-religieux une dimension à la fois historique et mythique, mais comportant également le risque de déboucher sur des conflits armés.