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L’intelligence artificielle et le travail

Publié en juin 2023
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Toute innovation technologique majeure suscite son lot d’appréhensions et tout particulièrement la crainte qu’elle ne supprime de nombreux emplois. C’est d’ailleurs le cas mais c’est aussi l’amorce d’une vague de développement économique qui en crée davantage.

Le phénomène se reproduit avec la prise de conscience des progrès de l’intelligence artificielle et de son potentiel disruptif.

D’après le forum économique mondial, 83 millions d’emplois seraient détruits et 69 millions créés d’ici 2027 dans le monde.

Ces calculs reposent sur tellement d’hypothèses que les résultats reflètent essentiellement celles-ci. Ils illustrent néanmoins la tendance à court terme mais ignorent le temps plus long du rebond.

Les conséquences vont en effet se développer en plusieurs vagues. De même que la voiture a commencé par remplacer le cheval comme moyen de transport avant de donner naissance à une société entièrement basée sur la mobilité, l’intelligence artificielle va remplacer l’homme dans beaucoup d’emplois puis donner naissance à un monde nouveau, comportant plus d’emplois mais profondément différents.

Pour comprendre son impact réel, il faut admettre que l’intelligence artificielle n’est pas un clone de l’intelligence humaine et que, s’il y a bien des fonctions identiques dans les deux, chacune a des caractéristiques propres. L’intelligence humaine ne fonctionne pas indépendamment de la personnalité globale de l’individu, de ses sentiments, de son imagination ainsi que de sa volonté, alors que l’intelligence artificielle n’est capable que d’opérations logiques, mais sur des quantités de data qui dépassent de très loin celles que le cerveau humain peut traiter.

Pour illustrer cette différence, on peut évoquer la victoire en 1996 du programme informatique Deep Blue de IBM sur Kasparov, le champion du monde d’échecs, et celle d’ALPHA GO, le programme de DEEP MIND, qui l’a emporté en 2010 sur le champion du monde de Go.

Dans le premier cas, l’ordinateur avait en mémoire tous les états possibles du damier et pouvait choisir parmi eux, après chaque coup de son adversaire, le mouvement le plus avantageux pour lui.

Pour les spécialistes ce n’est pas de l’intelligence artificielle, bien que le joueur humain, incapable de mémoriser tous les états du damier, soit, lui, obligé de faire preuve d’intelligence face au même défi.

Dans le cas du jeu de go, il n’est pas possible en pratique de mémoriser tous les états du damier ; l’ordinateur reçoit uniquement les règles du jeu et doit apprendre à jouer tout seul en réalisant, contre lui-même, des millions de parties qui vont lui donner une sorte de sens du jeu fondé sur des probabilités. Plus le programme continue à jouer, plus il se perfectionne. C’est de l’intelligence artificielle.

Elle a ses limites ; il faut des données en nombre suffisant : ainsi il est difficile de concevoir une voiture autonome susceptible de circuler sur les voies ouvertes à la circulation générale parce qu’il est impossible de fournir au système chargé de la guider, une description exhaustive des aléas auxquels elle pourrait être confrontée, difficulté qui n’existe pas lorsqu’il s’agit de circuler sur un circuit fermé.

Tout travail comporte potentiellement cinq éléments plus ou moins importants selon les cas :

  • La mise en œuvre d’une certaine énergie : les emplois dont c’était la vocation principale ont été supprimés avec la production d’énergie mécanique.
  • Des tâches matérielles : beaucoup d’emplois dont c’était l’objectif ont été supprimés grâce à la mécanisation, puis à l’automatisation. Celles qui subsistent en raison de leur complexité ou du coût potentiel de leur automatisation au regard de leur fréquence vont pouvoir l’être grâce aux robots animés par l’intelligence artificielle. Il ne subsistera que celles qui ont un caractère subsidiaire par rapport à une tâche intellectuelle ou sont un élément d’une interaction humaine.
  • Des taches non matérielles de deux natures. Les unes consistent à traiter des données selon des schémas connus. Elles représentent l’essentiel du travail des administrations et des sièges sociaux des entreprises. Elles pourront être prises en charge par l’informatique et l’intelligence artificielle.
  • D’autres consistent à faire du nouveau ; il peut s’agir de recherches scientifiques ou esthétiques aussi bien que de multiples tâches complexes ou banales dans un environnement non totalement défini. Elles resteront le privilège des hommes.

Il faut être conscient, cependant que cette créativité, c’est la créativité originelle : seuls les Beatles pouvaient imaginer leur musique, mais l’intelligence artificielle peut créer sans fin du simili Beatles indécelable de l’original.

A l’inverse, des petits métiers comportent une part d’innovation tenant aux conditions chaque fois différentes de leur travail. L’économie circulaire par exemple, qui consiste à remettre dans un état proche du neuf un produit industriel usagé, en vue de lui donner une nouvelle vie, exige une action de l’homme, car chaque opération de restauration est particulière. Elle transforme un produit industriel en produit artisanal.

  • La mise en jeu d’un système de relations sociales d’autant plus riche, c’est-à-dire important et diversifié, que la spécialisation du travail progresse, que la production s’automatise, et que s’éloigne la consommation de la production. Un produit ou un service, pour exister, exige la coopération d’un grand nombre d’intervenants spécialisés et sa mise à disposition du consommateur ou de l’usager également. Elle rend nécessaire des ponts, des interprètes, des adaptateurs capables d’ajuster le résultat de l’activité mécanisée aux besoins réels de son bénéficiaire.

D’autres facteurs vont également dans ce sens. La part des biens matériels dans la consommation qui a constitué, pendant longtemps, l’objectif et la contrepartie du travail va continuer à se réduire au profit du service, de la santé, du bien-être, de la sécurité, de la culture et des loisirs. L’érosion des liens sociaux traditionnels ouvre parallèlement un besoin illimité de contacts en vue de rétablir un autre environnement social.

En résumé, la poursuite de l’automatisation grâce à l’intelligence artificielle va augmenter la productivité du travail et, dans le même temps, conduire à la création d’emplois qui, au contraire, la réduiront. D’ailleurs, cela a déjà commencé. Il s’agira particulièrement d’emplois d’interface : les machines pourront presque tout mais devront être actionnées par le consommateur, l’utilisateur … ou un professionnel. Ainsi en matière de santé, la machine prendra en charge la pathologie et le médecin le patient.

Ce sera un monde dans lequel le concept de productivité aura perdu de sa pertinence et la valeur ajoutée y sera vraisemblablement répartie selon de nouveaux critères.

 

 

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