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Les limites de la spécialisation

Publié en mai 2023
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Le monde apparaît de plus en plus complexe. C’est partiellement un ressenti tenant au fait qu’on en voit mieux les complexités. Mais les choses se compliquent aussi réellement en raison de la multiplication des structures, des artefacts et surtout de l’interconnexion de tout, qui imposerait une intelligence infinie pour l’appréhender en tant que système alors que la complexité conduit à une approche des choses hyperspécialisée.

La spécialisation a d’abord concerné le savoir dont l’esprit humain ne peut embrasser qu’une fraction décroissante à mesure qu’il progresse. On a ainsi vu le cardiologue succéder au médecin généraliste, puis les spécialités de la rythmologie, de l’angiologie, de la phlébologie et de la cardiologie pédiatrique ou congénitale prendre le relais en attendant des spécialités plus pointues encore. Toutes les disciplines ont suivi le même cheminement.

La spécialisation a permis d’immenses progrès, mais elle provoque des difficultés croissantes tenant à l’insuffisante prise en compte des relations de la partie avec le tout, lequel peut d’ailleurs s’entendre à différents niveaux. Par exemple prendre en compte globalement la personne lorsque l’on soigne une de ses fonctions ou un de ses organes, ou encore accueillir à l’hôpital un malade mental atteint d’un cancer.

Désormais elle concerne toutes les activités, même les tâches dont la simplicité se situe bien en-deçà des capacités humaines d’appréhension les plus courantes. Elle est devenue un trait culturel, y compris dans les domaines dont la vocation première devrait être une approche globale des problèmes, comme en politique : les décideurs prétendent résoudre les problèmes de la société par une succession de décisions ponctuelles sans considération de leurs effets collatéraux.

Ainsi la politique sociale des gouvernements vise à aider nos concitoyens les plus pauvres, mais des ministres prennent simultanément des décisions qui les frappent particulièrement, sans l’avoir voulu mais aussi sans que quiconque ne s’en soucie : les taxes sur le tabac  pour des raisons de santé publique, l’augmentation du prix du gasoil et l’interdiction de louer des passoires thermiques pour des raisons écologiques, la taxe sur les complémentaires maladies pour des raisons budgétaires, l’extension du contrôle technique sur les voitures âgées pour des raisons de sécurité routière, etc.…

Autre exemple : Pour accueillir chaque année quelques centaines de milliers d’habitants supplémentaires, rattraper le retard qualitatif du parc immobilier, faire face aux migrations internes, on appelle à la construction de nouveaux logements et des avantages fiscaux sont consentis dans ce but aux investisseurs, mais on réduit le financement des HLM pour des raisons budgétaires, on taxe les propriétaires privés de l’IFI pour des raisons idéologiques, on interdit l’artificialisation des sols pour des raisons écologiques sans tenir compte des migrations entre les régions, de l’intérieur vers la mer et des centres urbains vers la périphérie, etc.…

Globalement, le résultat est parfaitement aléatoire, personne ne prenant la peine de faire une synthèse.

Alors que la vie est toujours le résultat d’équilibres complexes, le spécialiste ne voit qu’une seule force dont le prolongement conduit à la catastrophe. Du haut de son savoir, il considère sa spécialité comme la clé de voûte de toute chose et fulmine dans la presse des injonctions aux gouvernements sur ce qu’il convient de faire, contribuant ainsi à la perte de confiance de nos concitoyens envers les sachants.

L’avènement de l’intelligence artificielle devrait permettre de remédier partiellement à cette situation, car si celle-ci est limitée dans sa créativité, elle excelle dans l’analyse et la synthèse d’une base de données, offrant à tout spécialiste qui le souhaite, la possibilité de connaître ce qui importe à son travail et qu’il continuerait à ignorer s’il devait faire lui-même la recherche documentaire et son analyse.

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