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Le bouclier sanitaire

Publié en avril 2012
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Le bouclier sanitaire, évoqué à partir de 2007 comme une solution au déficit de l’assurance maladie n’a pas vu le jour jusqu’à présent.

L’idée d’un plafonnement individuel des dépenses de santé, c’est-à-dire d’une participation systématique, mais limitée en fonction de la capacité contributive de chacun, peut paraître une bonne idée.

Limiter le reste à charge des familles pour favoriser l’accès aux soins est souhaitable du point de vue de la santé publique.

C’est une bonne idée également sur le plan conceptuel. Le bouclier sanitaire, complexe sans doute à gérer, aurait apporté beaucoup de clarté et de simplicité dans le système français d’assurance maladie.

Il n’y a plus en effet aucune logique dans la prise en charge des dépenses de santé par la collectivité, qui tantôt dépend de la nature de la pathologie (ALD) tantôt du mode de traitement (hospitalisation ou non) tantôt encore de la situation financière du patient (CMU). La même absence de ligne directrice existe au niveau du financement, qui repose essentiellement sur des cotisations assises sur les revenus, mais dépend de la nature des revenus (revenus du travail ou revenus financiers) et, concernant les couvertures complémentaires maladies, de l’âge, de la région et du choix de chaque personne. Cette complexité interdit toute évolution cohérente.

L’idée d’un bouclier sanitaire ne s’est pourtant pas concrétisée parce qu’elle comporte, comme tout changement majeur, des conséquences multiples dont certaines n’avaient pas été prises en compte.

En effet, le bouclier sanitaire ne constitue pas un moyen de réduire le déficit de l’assurance maladie. Au contraire.

L’assurance maladie obligatoire couvre actuellement 75 % des dépenses de soins : le reste à charge de 25 %, soit 750 euros par an et par personne en moyenne, est supporté directement par les ménages ou sous la forme de cotisations à des complémentaires.

Si la dépense et les revenus étaient répartis également dans toute la population, il faudrait donc que chacun accepte cette charge, à prélever sur un revenu moyen de 22 000 euros. Il n’y aurait pas d’impossibilité puis qu’il ne s’agirait pas d’une dépense additionnelle, mais il n’y aurait pas non plus d’avantage.

Dans la réalité, les distributions des revenus et des dépenses de santé ont une forte dispersion, les deux n’étant pas corrélées : les dépenses de soins sont extrêmement concentrées, 12 % seulement de la population générant 60 % des dépenses au titre des ALD ou de l’hospitalisation. Les revenus des personnes concernées ayant la même répartition que celle de l’ensemble de la population, un reste à charge de 3 % de leurs revenus au titre du bouclier ne représenterait qu’une fraction négligeable de la dépense.

Les soins courants  s’élevant à 1 200 euros par personne en moyenne, un reste à charge de 3 % sur un revenu moyen de 22 000 euros n’en représenterait que la moitié (en fait moins, car une partie de la population ne saturerait pas son bouclier sanitaire et une autre le dépasserait sans que ces deux écarts s’annulent). Le sort des moins aisés serait globalement un peu amélioré, mais au détriment de la Sécurité sociale et, marginalement, de la population la plus aisée. Au-delà de 42 000 euros de revenus par an, celle-ci devrait désormais prendre en charge la quasi-totalité de ses dépenses de soins courants. Compte tenu de son faible nombre, sa participation à l’équilibre global serait minime.

Un bouclier sanitaire fixé à 5 % du revenu au lieu de 3 % améliorerait les comptes de l’assurance maladie, mais en laissant la charge de la totalité de leurs soins courants à la quasi-totalité des assurés dont le revenu dépasserait 26 000 euros par an, ce qui est très bas.

Certes, les dépenses relatives aux ALD et à l’hospitalisation pourraient voir leur périmètre quelque peu rétréci, car certaines pathologies de longue durée ne sont pas coûteuses au point d’imposer une prise en charge différente de celle des soins courants. Cette mesure augmenterait les dépenses supportées par les ménages, permettant une meilleure saturation des boucliers sanitaires, mais pas au point de rendre celui-ci praticable dans des conditions d’efficacité et d’équité satisfaisantes.

Un financement efficace et équitable ne peut reposer que sur les capacités contributives de tous et non uniquement sur les capacités contributives des malades les plus graves aux revenus supérieurs à la moyenne.

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