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La rentabilité des actions

Publié en mars 2023
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Les actionnaires, dirigeants ou petits porteurs, perçoivent les mêmes dividendes. Mais on constate, en examinant la liste des grandes fortunes publiée chaque année par la presse, constituées pour l’essentiel d’actions, que celles-ci ont tendance à augmenter à un rythme rapide d’année en année alors que la rentabilité pour les petits actionnaires est non seulement très volatile, mais aussi relativement faible. Les dirigeants d’entreprises ont également des rémunérations pour leur implication dans la gestion, mais la croissance de leur patrimoine est, le plus souvent, sans commune mesure avec ces rémunérations. Comment expliquer la différence ?

Les raisons sont variées. Certaines sont contestables dans la mesure où les dirigeants peuvent faire bénéficier des entreprises personnelles d’avantages particuliers, consentis par l’entreprise cotée qu’ils dirigent. Ceci est de plus en plus contrôlé, mais a pu souvent jouer un rôle important dans le passé.

Bien entendu, les dirigeants connaissent mieux les problèmes et perspectives de leur entreprise que l’investisseur étranger à celle-ci. Sans aller jusqu’à faire des opérations d’initiés, ils sont plus à même de mieux gérer leur participation sur la durée. Par ailleurs, en cas de cession, les actions donnant un droit de contrôle ont une valeur supérieure.

Par ailleurs, la comparaison est faussée dans la mesure où les petits épargnants diversifient leurs placements de sorte que leurs résultats sont une moyenne. Les dirigeants actionnaires concentrent leurs participations sur leurs entreprises : certains réussissent, d’autres échouent, mais aucun n’a un profit résultant d’une moyenne. La moyenne de ceux qui réussissent est donc supérieure à la moyenne d’un portefeuille représentatif de la Bourse en général.

La rentabilité des placements en actions est très variable selon les périodes de détention. Les spécialistes le qualifient pour cette raison de placements à long terme, la durée réduisant la volatilité. Mais le temps ne gomme pas tous les risques. Sur 30 ans, les résultats restent éminemment variables selon que les achats et les ventes ont été faits pendant les courtes périodes optimales ou les plus défavorables, ou encore de manière régulière sur la période sans tenir compte des cours. Dans ce dernier cas, qui lisse un maximum les résultats, mais ne correspond pas nécessairement aux besoins d’investissement ou de désinvestissement des détenteurs de l’épargne, le rendement global avant impôts tend à se stabiliser. Une étude américaine sur un siècle a mis en évidence un rendement proche de celui des bons du Trésor américain et une étude de l’AMF sur la période 1987 – 2013 a fait apparaître, pour la France, un rendement global réel (déduction faite de l’inflation) un peu inférieur à celui des obligations.

Sur un plan théorique, un portefeuille créé en même temps que le CAC 40 en 1987 et ayant toujours eu la composition de celui-ci, vaudrait aujourd’hui sept fois plus sans tenir compte des dividendes, 20 fois plus (au 18 janvier 2023) en en tenant compte et en les supposant réinvestis (CAC GR), soit un taux de progression annuel de 9 % !

Ce montant est cependant exagérément flatteur. Outre le fait que le CAC 40 flirte aujourd’hui avec son plus haut taux historique alors que sa création date du lendemain d’un krach boursier, c’est-à-dire d’un point bas des cours, il ne représente pas la valorisation d’un portefeuille moyen car les sociétés entrent dans le CAC quand leur valorisation croît, ce qui peut être le cas à la suite d’une fusion mais résulte plus généralement d’une croissance due au succès. De même les sorties de CAC se produisent très souvent à l’occasion d’une OPA qui dope les cours – et donc le CAC – avant leur sortie. Les performances moyennes sont donc sensiblement inférieures à celles du CAC 40.

Plus important, sur une aussi longue durée, des arbitrages sont nécessaires pour réaliser une bonne performance et l’État prend sa dîme. Le montant réinvesti n’est donc pas le montant encaissé mais un montant inférieur, d’un pourcentage variable selon les époques, actuellement de 30 %. Il en est de même pour les coupons. Il faudrait également déduire l’ISF, (soit 0,5 à 1,5% par an) jusqu’en 2018.

L’impact fiscal et la réduction consécutive du montant réinvesti abaissent le rendement global.

Des frais viennent encore grever cette performance : courtage, frais de conservation pour une gestion directe, droits d’entrée et frais de gestion pour les actions détenues à travers des fonds ou des contrats d’assurance. Les conditions réelles sont très variables selon les modes de gestion et les intervenants. À titre de pure illustration, on peut retenir 1 % par an, les taxes réelles étant fréquemment supérieures. Là aussi ce prélèvement réduit le montant investi, ramenant le capital final à 5 500.

L’indice des prix de la création du CAC 40 à décembre 2022 est passé de 100 à 193. La valeur réelle de l’épargne constituée en euros de 1988 est donc de 2 850 et le taux réel de rentabilité de 3,08 %. Compte tenu des hypothèses qu’il faut pour obtenir ce résultat, il ne donne qu’un ordre de grandeur.

C’est un résultat assez élevé, mais pas entièrement représentatif du fait que 1987 et 2023 sont des dates favorables, la première à l’achat et la seconde à la valorisation du portefeuille puisque l’indice est à son niveau record pour la période.  Pour des titres achetés régulièrement de 1988 à 2000, le rendement serait réduit à 2,5 % l’an. Par ailleurs, pour les raisons évoquées ci-dessus, le CAC 40 a une performance supérieure de l’ordre de 10 % sur la période à celle d’un indice plus représentatif de l’ensemble des sociétés cotées. Par ailleurs, le comportement moutonnier des petits porteurs, signalé supra, ampute leur rentabilité réelle. Globalement toutefois, l’investissement en actions s’avère positif sur la période et même relativement attrayant, a fortiori lorsque l’investissement est fait dans des véhicules défiscalisés comme le PEA ou l’assurance vie.

Les performances pour un dirigeant actionnaire seraient nettement supérieures, même si sa société avait évolué de manière analogue au CAC 40. En détenant ses actions à travers une holding intégrée fiscalement à la société d’activité, il aurait pu être compensé d’éventuelles pertes par une subvention fiscale. Il n’a pas à procéder régulièrement à des arbitrages, à l’occasion desquels la plus-value serait partiellement confisquée par l’État. De même, les coupons peuvent être réinvestis au niveau de la holding en n’ayant à payer qu’un impôt symbolique, en tant qu’instrument de travail, les actions n’auraient pas été soumises à l’ISF. Il n’existe pas de frais de gestion significatifs de ses titres. Il aurait bénéficié au total d’une rentabilité nette de l’inflation, plus proche de 6 % que de 3,1 %, ce qui assurerait un doublement de son patrimoine tous les douze ans en termes réels !

Si on veut bien considérer que les grosses fortunes ont un taux marginal d’épargne proche de 100 % alors que le petit porteur consomme 85 % de ses revenus en moyenne, on voit que la répartition du patrimoine a vocation à devenir de plus en plus inégalitaire.

 

 

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