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écologie, croissance et niveau de vie

Publié en octobre 2021
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Certains courants de pensée opposent nécessité de la transition écologique et croissance. C’est un débat rendu obscur par le flou du concept de croissance. Clair lorsqu’il s’agit de mesurer la taille d’un enfant, mais susceptible d’interprétations variées lorsqu’il s’agit d’un phénomène complexe dont toutes les dimensions n’évoluent pas dans le même sens. C’est le cas de l’économie dont la croissance est appréhendée à travers le PIB et non de ses effets qui constituent pourtant le but de l’activité économique et assure le niveau de vie de la population.

La croissance mesurée par le PIB est la différence de valeur ajoutée constatée entre deux années, mais l’éventail des biens produits est en perpétuel changement, ce qui enlève toute signification à cette comparaison sur une longue période.

Un exemple permet de le comprendre. Si deux paniers de fruits comportent l’un dix fruits et l’autre onze, on ne peut affirmer qu’il y a croissance de l’un à l’autre que si les variétés présentes dans l’un et l’autre sont rigoureusement identiques et si le second en contient autant ou plus de chaque variété, mais jamais moins. À défaut, la comparaison ne peut être faite, sauf à connaître les prix unitaires dans des monnaies comparables, ce qui est impossible comme on va le voir.

Entre deux années consécutives, la nature et la quantité relative des biens et services produits évoluent peu. Considérer qu’elles sont identiques pour calculer le PIB introduit une erreur négligeable dans le calcul, d’autant qu’il est fait à partir de prix effectivement constatés.

Il en va différemment lorsqu’on compare des périodes éloignées, par exemple les années 1800 et 2000. On peut penser que la production de 2 millions de véhicules à moteur constitue une contribution très supérieure au PIB de l’an 2000, à celle des 100 000 chevaux du PIB de 1800. Mais ce progrès ne peut être chiffré ni physiquement ni financièrement car il faudrait connaître la valeur relative des monnaies… ce qui ne peut se faire qu’à partir de paniers de biens comparables qu’il est impossible de constituer. En effet, il existe peu de biens identiques à ces deux époques et même ceux qui paraissent tels – comme les pommes par exemple – ne le sont pas en termes d’utilité car leurs contenus en transport, conservation et distribution notamment, sont différents.

Lorsqu’on anticipe une période à venir quelque peu éloignée, il en va de même. Opposer la croissance du PIB à la transition écologique n’a donc pas de sens si on entend par croissance la production de davantage de voitures, de mètres carrés, ou de calories par tête, pas davantage qu’une prévision de 1800 évaluant la croissance continue du nombre de chevaux n’en aurait eu.

Il importe de continuer à améliorer la qualité de vie des hommes par la production de biens et de services qui leur conviennent, dont la traduction en termes de PIB peut aussi bien être une diminution qu’une augmentation.

 

Quelques exemples :

Le télétravail est plébiscité par certains salariés, il leur apporte donc un plus en matière de qualité de vie qui se traduit par une contraction potentielle du PIB. Moins de transport, moins de bureau seront nécessaires, peut-être moins de vêtements et moins de recours à la restauration.

Si la viande produite in vitro se substitue par choix volontaire des consommateurs (ce qui est le signe d’une amélioration) à la viande en provenance des animaux tout en coûtant moins cher, il s’agit d’un progrès de niveau de vie, le même revenu permettant d’acheter plus, et d’une réduction du PIB.

Par ailleurs le PIB ne prend pas en compte les externalités, c’est-à-dire ni les ressources que la nature fournit gratuitement (l’air, l’eau, les ressources fossiles, etc.…), ni les dommages causés à la planète (pollution de l’air, des sols et de l’eau) auxquels il faudra peut-être remédier pour la survie de l’espèce. Ainsi devoir installer des épurateurs d’air dans les bâtiments alimenterait la croissance du PIB tout en constituant une régression de la qualité et du niveau de vie réel, cette dépense consommant du revenu. La vente de droits à polluer, toute chose étant égale par ailleurs, augmente le PIB sans changer le niveau de vie réel.

Les besoins auxquels correspondent la production actuelle ne sont pas saturés. Il existe encore des personnes mal nourries, mal logées, mal soignées. Mais l’essentiel des besoins futurs à satisfaire seront autres : ainsi, le parc automobile français a été multiplié par 3 en 50 ans, pour dépasser aujourd’hui 40 millions de véhicules. Il n’est pas imaginable, même pour les partisans les plus fanatiques de la croissance, qu’il puisse à nouveau tripler dans les 50 ans à venir. Il en est de même d’à peu près toutes les consommations d’aujourd’hui. Les biens et services qui vont se développer – les utilités comme diraient les économistes – seront d’une autre nature, concernant par exemple la santé, du fait du vieillissement de la population et du coût des nouvelles thérapies. Elles seront aussi globalement plus immatérielles comme la culture, les loisirs, la sécurité, la convivialité. Même l’oisiveté peut devenir un bien économique : des salariés d’une grande firme textile viennent de voter une réduction de salaire contre du temps libre. Si demain certains salariés pouvaient rémunérer une société d’intérim pour se faire remplacer de temps à autre, ce serait du PIB en plus !

Il reste souhaitable et possible d’améliorer encore la qualité de vie, d’autant que la technologie permettra un meilleur usage de la planète et que la composante immatérielle sera plus importante. La traduction en termes de comptabilité nationale sera probablement un taux de croissance, évalué selon le mode actuel, diminué, mais pas nécessairement et même dans le cas contraire, ce ne sera pas un obstacle à la transition écologique.

 

 

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