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Diversité et démocratie

Publié en mai 2023
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Il est de plus en plus difficile, dans notre pays, d’obtenir le consensus d’une majorité de citoyens sur une orientation politique quelle qu’elle soit. Non seulement, seule une partie de la population vote aux élections, mais les électeurs affichent fréquemment leur opposition aux prises de position des représentants qu’ils ont élus, qui eux-mêmes peuvent s’opposer entre-eux bien qu’élus sur une même liste.

Une des causes de cette évolution est vraisemblablement l’hétérogénéité croissante de la société sur chacun des axes qui structurent la vie politique : l’économie, la culture, les valeurs c’est-à-dire le rapport entre la psychologie individuelle et la société.

En 1789, la population française était d’une grande homogénéité économique et culturelle. Elle était presque totalement composée de paysans pauvres, illettrés, catholiques, vivant dans des villages au sein de familles élargies. Une minorité de privilégiés, nobles, bourgeois et membres du clergé, bien qu’ayant des intérêts différents, partageaient la religion catholique et la proximité du territoire. Les différences tenant aux cultures régionales importaient peu en raison de leur absence de volonté d’expansion.

Aujourd’hui, les axes de structuration des idéologies politiques se sont multipliés : aux oppositions historiques des propriétaires et des fermiers, des capitalistes et des salariés, des catholiques et des athées s’en sont ajoutés de nouvelles.

Le spectre des activités professionnelles s’est infiniment élargi. De nouvelles classes sociales ont émergé dont les destins sont indépendants de ceux des anciens groupes sociaux. La dispersion des patrimoines et des revenus s’étend de zéro à (quasiment) l’infini.

Les attitudes envers la religion se déclinent également selon un spectre très large, allant du rigorisme chrétien, juif ou musulman à des pratiques modérées, du sectarisme ou de l’athéisme militant au matérialisme en passant par l’indifférence la plus totale.

L’accès des femmes à l’égalité a élargi le champ du politique à des sensibilités différentes.

Les structures familiales qui jouent un rôle dans l’adoption des idées et des postures politiques comme l’a démontré Emmanuel Todd, se sont multipliées. Aux familles élargies devenues rares, ont succédé les familles nucléaires restreintes, les familles monoparentales, les personnes seules, les familles recomposées, les familles de même sexe, les ménages non cohabitant…

L’exposition aux risques est aussi un élément potentiel important du positionnement politique comme l’a montré Ulrich Beck. Il semble que les familles dont les enfants vivent au milieu de dealers de quartier qui s’entretuent à l’occasion, aient une sensibilité différente de celle des quartiers protégés par exemple.

À l’isolement culturel a succédé l’immersion dans de multiples courants. Aux idéologies anciennes, marxisme, nationalisme, socialisme ou libéralisme se sont ajoutés l’écologisme, des communautarismes, le wokisme, le décolonialisme, etc.…

Les différences culturelles se sont accrues. L’illettrisme est réapparu alors qu’une fraction importante de la population fait des études supérieures fréquemment ouvertes sur l’international.

L’habitat s’est diversifié entre grandes métropoles et banlieues, villes moyennes et ruralité.

Les notions de binarité des sexes et de répartitions des rôles ont disparu au profit d’un continuum. La procréation est maîtrisée et le nomadisme sexuel a droit de cité.

La familiarité avec les différents médias pourrait également être considérée comme un axe de structuration : on connaît le rôle des réseaux sociaux, en particulier vis-à-vis des jeunes, de la télévision, plutôt vis-à-vis des plus âgés et de la presse chez les actifs.

Les positions de nos concitoyens sur ces axes se combinent pour former une multitude de groupuscules. Tous ne sont pas également importants et seule une poignée s’exprime de manière militante, le plus souvent sur des positions très minoritaires. Au total, l’opinion publique devient un patchwork ingouvernable.

Cette archipélisation de l’opinion publique aurait des conséquences sans grande portée si les problèmes à résoudre se présentaient systématiquement sous la forme d’options binaires concernant tout le monde. La seule possibilité pour retrouver des majorités serait donc d’être confrontés à des évènements suffisamment importants pour être ressentis par tous, positivement comme une victoire au championnat du monde de football ou négativement et de manière plus durable comme une catastrophe naturelle ou une guerre.

A défaut, chaque groupuscule, avec son propre panier de thèmes et de revendications a le sentiment – fondé – d’être minoritaire et peu considéré par la majorité, c’est-à-dire les autres, qui éprouvent le même sentiment. Tous se sentent ignorés du pouvoir et victimes de la dictature de la majorité. Au demeurant, une orientation que l’on refuse totalement n’est pas acceptée qu’elle soit définie par une majorité à laquelle on ne s’identifie pas ou un pouvoir autoritaire.

Le problème est d’autant plus sensible que l’État veut tout faire, multipliant les sources de mécontentement des différents groupes.

L’incapacité de diriger démocratiquement dans ces conditions ne peut conduire qu’à une situation insupportable dont on ne sortira qu’à l’occasion d’une difficulté majeure ou par un recul de la démocratie.

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