S'inscrire à notre newsletter

Aux risques d’innover

Publié en octobre 2010
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

L’Institut de l’entreprise a demandé à François Ewald de diriger une enquête effectuée par une dizaine de journalistes indépendants, sur autant de secteurs économiques, visant à mesurer leur compréhension du principe de précaution et leurs réactions éventuelles face à l’évolution du concept.

Ces enquêtes et les commentaires qu’elles appellent font l’objet d’un livre[1] susceptible d’intéresser non seulement les décideurs – chefs d’entreprises ou politiques –, mais également le grand public, qui devrait s’en trouver rassuré.

L’expression même de principe de précaution est récente. Elle s’est progressivement différenciée de l’idée de prévention avec laquelle certains la confondent encore. La prévention consiste à tenter d’éviter la réalisation de risques identifiés ; la précaution, à ne pas engager d’action dont les éventuelles conséquences dommageables sont inconnues.

Le principe de précaution a été d’abord perçu comme un obstacle à l’innovation. L’innovation, de par sa nature même, conduit dans des terrains inexplorés, mais l’ignorance couvre aussi ce qui n’a pas fait l’objet d’investigations systématiques. Or parce qu’il renverse la charge de la preuve et ne permet pas à l’entreprise d’exciper de son ignorance pour dégager sa responsabilité, le principe de précaution oblige désormais celle-ci à un inventaire des risques qu’elle engendre, dont l’essentiel, pour n’être pas connu, n’en est pas moins connaissable.

L’introduction du principe de précaution en 2005, dans le Préambule de la Constitution française, a lancé une dynamique nouvelle, et contribué à créer un nouvel environnement intellectuel, éthique, juridique et politique.

Posé initialement pour éviter les actions susceptibles d’avoir des conséquences graves et irréversibles pour l’homme et l’environnement, le principe de précaution tend désormais à être considéré par la jurisprudence comme un principe de responsabilité générale, malgré sa complexité. Il impose en effet de prouver l’inexistence de conséquences dommageables, ce qui, dans un horizon spatial et temporel non défini, est à proprement parler impossible. Il s’accompagne d’une perte de pouvoir des interlocuteurs familiers des entreprises que sont chercheurs et experts au profit de représentants de la société civile aux préoccupations spécifiques et subjectives. Cette évolution aura pour terme le remplacement par des processus d’agrément social des procédures de normalisation technique. Une antenne relais de téléphone peut ainsi être retirée non parce qu’elle nuit à la santé des riverains, mais parce que ceux-ci ont le sentiment qu’elle les rend malades, avant même sa mise en fonctionnement.

Pour réelles que soient ces difficultés, elles conduisent à entrevoir de nouvelles perspectives.

Les sociétés ont évolué. Dans les pays développés, elles ont atteint un niveau qui rend totalement légitimes de nouvelles aspirations, en particulier à la sécurité, qui est un bien supérieur.

La conséquence la plus évidente et la plus attrayante, pour les entreprises, est l’émergence du « green business ».

Mais le plus important est peut-être ailleurs.

Les entreprises constituent une forme d’organisation sociale récente : elles se sont développées au départ comme des entités autonomes prélevant dans leur environnement les ressources humaines, matérielles et financières dont elles estimaient avoir besoin en contrepartie des produits et services qu’elles décidaient de mettre sur le marché.

Les temps ont changé : pratiquement toute la richesse des nations résulte de l’activité des entreprises. Elles nous emploient, nous approvisionnent en produits et services, décident de notre mode de vie, façonnent nos cultures, déterminent notre position dans le monde : elles ont envahi la société civile.

 Le développement du principe de précaution marque la volonté chez celle-ci de maintenant les contrôler.

De nouvelles structures sociales vont probablement apparaître, plus adaptées sans doute à un monde fini dont les citoyens veulent contribuer à définir l’avenir.

« Vivre avec le principe de précaution ». Les Échos, 7 janvier 2010.

[1] François Ewald (dir.), Aux risques d’innovers. Les entreprises face au principe de précaution, Paris, Ed. Autrement, 2009.

0

Vous pourriez aussi être intéressés par

Le blog de Jean-Claude Seys 05 2020

De l’utilité de la crise

Les crises font des victimes et brisent simultanément des structures, des modes de pensées et des habitudes – tout ce que déplorent leurs victimes – […]

Lire la suite
09 2019

Grands risques et petites peurs

Notre siècle est celui des paradoxes : tout accident, tout évènement un peu chaotique fait l’objet de la part des médias de manifestations indignées : Comment se […]

Lire la suite
Le blog de Jean-Claude Seys 09 2018

Un défi

D’ici la fin du siècle la population mondiale devrait passer de 7 à 11 milliards ; un milliard vit aujourd’hui en dessous du seuil de […]

Lire la suite

Suivez-nous sur Twitter

|PRESSE|
✅La #prospective ne s'use que si on ne s'en sert pas.
✅ Dans @LesEchos, l’éditorial de @cyberguerre
✅Les travaux de prospective n'ont jamais été autant disponibles. Mais sans réel impact sur les décisions politiques, regrette Nicolas Arpagian.

Image for twitter card

La prospective ne s'use que si on ne s'en sert pas

Conjoncture, nouvelles menaces, innovations technologiques… les travaux de prospective n'ont jamais été autant disponibl...

www.lesechos.fr

|PUBLICATION|🆕
✅#Lavenirduféminisme ♀️
✅En avant-première de la publication de son prochain ouvrage, @CarolineFourest nous fait l’amitié de répondre à nos questions et dresse, pour l’@InstitutDiderot , un état des lieux du #féminisme contemporain🔽
via

L'avenir du féminisme

Les combats féministes du siècle dernier, foncièrement universalistes et laïques, avaient pour objectif l’émancipatio...

issuu.com

|#Mémoire|
✅ En ce #8mai2023, nous célébrons les 78 ans de la capitulation du régime nazi, le #8mai1945 (le 9 mai en Russie), et nous pensons à toutes celles et ceux qui se sont battus pour la Liberté🇫🇷
✅ Bon #8Mai à tous !

|BLOG|
✅ Le billet d'humeur de Jean-Claude Seys
✅#Diversité & #Démocratie.
✅ Il est de plus en plus difficile, dans notre pays, d’obtenir le consensus d’une majorité de citoyens sur une orientation politique quelle qu’elle soit.
via @InstitutDiderot

Image for twitter card

Diversité et démocratie - Institut Diderot

Il est de plus en plus difficile, dans notre pays, d‘obtenir le consensus d‘une majorité de citoyens ...

www.institutdiderot.fr

|PRESSE|
✅ Quel est le rôle d’un chef d’#entreprise❓
✅ Dans @Challenges, l’éditorial d'#AndréComteSponville.
✅ Ce n’est pas la comptabilité ou l’arithmétique qui fait les bons patrons. La psychologie importe autant ou davantage.
✔️#entreprise
✔️#patronat

|PUBLICATION|🆕
✅Les échecs de la #vulgarisationscientifique🧠
✅La #science en otage de la #postvérité & de la #désinformation⚠️
✅Les exemples ne manquent pas : #nucléaire #climat #vaccin #OGM #5G…
✅Pour @InstitutDiderot, l’analyse de @EtienneKlein.

Petit plaidoyer matutinal pour l’organisation d’assises nationales de la diffusion de la culture scientifique.

Petit plaidoyer matutinal pour l’organisation d’assises nationales de la diffusion de la culture scientifique.

Étienne Klein : "La connaissance est une affaire publique. Mais la vulgarisation ne fonctionne qu'auprès de ceux auprès de qui elle fonctionne, c'est un truisme. Alors, la vulgarisation n'est plus seulement un projet culturel, mais politique." #le7930inter

Charger plus de Tweets