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Trente-cinq heures ou plus

Publié en novembre 2016
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

En ces temps de campagne électorale, le thème des 35 heures de travail hebdomadaires refait surface : c’est, une nouvelle fois regarder l’avenir dans le rétroviseur.

La réduction du temps de travail est une tendance historique longue, qui a commencé avec l’éphémère loi des 10 heures de 1848 et n’a cessé de suivre, peu ou prou, les progrès de la productivité. Jean Fourastié, prévoyait, dans les années 60, que le temps de travail sur une carrière serait de 40 000 heures à la fin du siècle ; la réalité se situe bien au-dessus. Malgré cela, la loi sur les 35 heures est à l’origine de nombreux problèmes. Pourquoi ?

  • Un Etat ne peut avoir une politique de dépense onéreuse – en l’occurrence la politique sociale-, et abandonner la politique économique à des organismes ou mécanismes de régulation internationaux, sans incohérence fatale.
  • En second lieu, elle a été imposée aux entreprises dans des conditions et des délais imposant des adaptations urgentes mais mineures, alors qu’une mise en perspective aurait pu conduire à positionner la réduction du temps de travail dans une perspective historique prenant en compte les évolutions technologiques et sociétales.

Revenir sur cette mesure en annulerait-elle les effets négatifs ?

Le passage à 35 heures a eu un coût, compensé en quelques années par une moindre progression des salaires et par des progrès de productivité. Revenir en arrière en conservant les compensations améliorerait ponctuellement la compétitivité des entreprises, mais « one shot » c’est-à-dire que les entreprises bénéficieraient pendant quelque temps d’un bol d’air puis se retrouveraient dans la même situation, alors que celle des salariés aurait régressé malgré le progrès de la productivité technique enregistré pendant cette durée.

Cette mesure prendrait encore moins en compte les perspectives long terme que la loi sur les 35 heures, alors que des évolutions sensibles ont déjà été enregistrées.

En fait, la durée de travail hebdomadaire n’est qu’un élément d’une problématique qui comporte de nombreuses dimensions de nature différente, dont les principales sont les suivantes :

  • rétablir l’équilibre de la balance des paiements, c’est-à-dire la compétitivité internationale de la France
  • rechercher le plein emploi
  • prévoir les conséquences du développement des technologies numériques et des robots, c’est-à-dire le rôle du travail à moyen/long terme.

Pour rétablir la compétitivité internationale, il n’existe que deux voies : l’une, résignée, consiste à abaisser le niveau de vie par la dévaluation ou la baisse des rémunérations ; la dévaluation n’est pas envisageable dans le cadre de l’euro et l’augmentation de la durée de travail sans rémunération proportionnelle ne pourrait avoir qu’un impact marginal et ponctuel. Pour regagner un avantage concurrentiel qui perdure, il faut la rechercher dans la réduction des prélèvements obligatoires, ce qui est dit et redit, mais est finalement moins important que de faire disparaître une partie substantielle des charges et délais inutiles qui pèsent sur les entreprises. Un rapport du Sénat évalue à 35 % le temps passé par les agriculteurs à faire de la paperasserie, les médecins se plaignent de l’importance de leurs tâches administratives. Les entreprises vocalisent moins leurs problèmes mais réagissent en perdant en compétitivité, donc en substance et en emplois : on peut postuler que la création imposée aux entreprises d’un emploi non productif conduit à la non création de deux emplois productifs.

Certes, si les taches inutiles sont supprimées et les progrès réels de la productivité se manifestent, l’emploi va commencer par se contracter et la robotisation, gage de futurs progrès, renforcera ce mouvement avant que ne s’amorce un redéploiement sain et porteur d’avenir.

La recherche de solutions doit prendre en considération que le travail a en fait quatre fonctions :

  • assurer la production
  • distribuer des revenus
  • constituer un vecteur d’intégration sociale
  • favoriser le développement personnel.

La disparition de la première fonction ne supprime pas les autres, mais tendre à réaliser les autres par la création d’emplois inutiles rend l’économie inefficace, la production sans client, ce qui ne peut que tarir à terme la source de leur financement.

Une idée pourrait être de faire du temps partiel une norme nouvelle : 3 journées de 8 heures, payées effectivement 24 heures auraient de multiples avantages : on peut démontrer que pour une famille très modeste, dont les revenus sont deux SMIC, une réduction de salaires parallèle à cette réduction du temps de travail pourrait être plus que compensée quantitativement par l’accroissement des transferts sociaux liés aux revenus, par la réduction des dépenses imposées par l’indisponibilité (garderie des enfants, achats de plats préparés, etc.) et une amélioration qualitative très forte (moins de stress, moins de transports, plus de temps pour la santé : les formalités, la famille, le sport..).

Pour les entreprises, cette forme du travail apporterait, avec quelques problèmes d’organisation, qui se posent de toute manière, la possibilité de s’organiser avec plus de souplesse sur 6 ou 7 jours de la semaine, et de mieux valoriser leurs investissements.

Le développement de l’emploi amorcerait à son tour un cercle vertueux : il permettrait de réduire le chômage, d’être plus exigeant dans la distribution des revenus de transfert et concourrait à la réduction de l’insécurité liée au chômage et à l’errance.

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