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Réformer la retraite

Publié en juin 2022
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Depuis le rapport effectué en 1991 à la demande du Premier ministre Michel Rocard, la réforme des retraites s’est inscrite au programme de tous les gouvernements ; elle est rendue nécessaire par l’allongement de l’espérance de vie et l’abaissement, en 1983, de l’âge de fin d’activité à 60 ans, en parfait contretemps avec l’évolution démographique.

Le rapport entre le nombre d’actifs et celui des retraités, de 3 pour 1 en 1975 est tombé à 1,8 pour 1 en 2021 et devrait continuer à se rapprocher de 1 pour 1 à mesure que les générations du baby-boom seront remplacées par les suivantes, inférieures en moyenne de 100 000 personnes, ce qui sera achevé en 2034. À noter toutefois que l’arrivée chaque année de travailleurs étrangers plutôt jeunes, a atténué et va continuer à ralentir la dégradation de ce rapport.

Dans l’organisation actuelle des retraites, celles-ci sont considérées comme un salaire différé. Leur gouvernance tient compte de cette origine et le problème à résoudre consiste à rétablir l’égalité, sur la longue durée, des cotisations versées par les actifs et leurs employeurs, et des rentes versées aux retraités. Cette conception purement budgétaire s’avère très réductrice. Elle a d’ailleurs connu quelques aménagements, notamment la prise en compte des enfants dans le calcul des droits des mères de famille, l’acceptation de départs précoces dans les emplois où la pratique ne peut être prolongée tardivement par exemple.

Par ailleurs, le régime de la fonction publique n’est pas totalement un régime de répartition puisqu’il n’existe pas de lien, au niveau d’une caisse de retraite, entre cotisations encaissées et rentes versées.

Enfin, tout le monde, même ceux qui n’ont pas exercé une activité rémunérée tout au long de leur vie, a besoin pour vivre de moyens que l’État fournit à différents titres.

La retraite pourrait être conçue plus largement comme une phase particulière de la vie, qu’il convient certes de financer mais plus encore d’optimiser au profit tant de la collectivité nationale que des intéressés eux-mêmes. Le rapport entre le travail et la future retraite ne peut rester le seul déterminant. On assimile d’ailleurs le chômage indemnisé a du travail pour le calcul des droits des intéressés et lorsque l’âge du bénéficiaire se rapproche de celui de la retraite, le chômage se commue en « préretraite ».

La formation et la retraite sont perçues comme étant sans lien. Pourtant la formation coûte cher à la collectivité, conduit ses bénéficiaires à entrer tard sur le marché du travail. Ils ont l’avantage d’un choix plus large d’activités, susceptibles d’être prolongées plus tardivement et généralement mieux rémunérées. Cela atteste d’un rapport étroit entre formation, emploi et retraite.

Le logement n’est pas davantage un élément totalement étranger à l’emploi et à la retraite. La propriété de son logement est pour le retraité un élément de son niveau de vie. L’acquisition du logement, quant à lui, dépend largement du travail. Tout d’abord de sa rémunération mais aussi de ses exigences de mobilité qui peuvent la rendre impossible.

Le travail n’est pas sans lien avec la longévité et la santé. Sans évoquer les maladies et les accidents professionnels, on constate des différences importantes de longévité selon les activités professionnelles exercées. Quatre années séparent l’espérance de vie d’un cadre et celle d’un ouvrier, et des statistiques plus fines permettraient de trouver des écarts bien supérieurs.

La dépendance, qui frappe un français sur quatre ou cinq, raccourcit l’espérance de vie, allège de ce fait les charges des régimes de retraite mais crée en contrepartie un besoin de financement des victimes qui n’est pas satisfait.

L’espérance de vie en bonne santé est liée au travail. La France se classe au troisième rang des pays d’Europe pour l’espérance de vie à la naissance, mais ne se positionne qu’à la huitième place pour l’espérance de vie en bonne santé. Les pays qui font mieux qu’elle sur ce critère sont caractérisés par un taux d’emploi après 60 ans supérieurs à celui de la France. Une activité après 60 ans est favorable à la santé, directement et par le revenu qui lui est attaché, sous réserve d’être pratiquée sans obligation.

Enfin, les concepts de travail et de niveau de vie évoluent avec la société et la transition écologique risque d’accélérer cette évolution. Dans les économies de marché caractéristiques du passé, travailler pour vivre correctement était une nécessité. Désormais, pour une part croissante de la société, la poursuite du progrès ne passe pas par une augmentation du revenu mais par une réduction des contraintes liées au travail.

Une réforme prenant en compte tous ces éléments, au moins en tant que perspective, permettrait de faire de la retraite non seulement une charge mais aussi un élément de la qualité de la vie.

Parmi les principes qui pourraient être soumis à débat dans ce sens, on pourrait notamment imaginer la suppression de l’âge de la retraite avec une durée minimale déterminée pour chacun, permettant d’avoir une retraite plancher. A contrario, le travail pourrait être poursuivi aussi longtemps que souhaité par les intéressés, travailleurs et employeurs, avec des cotisations limitées et n’ouvrant plus de droits additionnels pour ceux ayant déjà atteint un certain plafond.

Cette disposition, en rendant le travail des aînés moins coûteux, pourrait réduire la réticence que les employeurs semblent avoir à l’égard des plus âgés. Assurés d’une retraite, ceux-ci pourraient prendre en charge des emplois moins exigeants et moins rémunérés, à temps partiel, pour des associations ou des collectivités locales que les conditions actuelles d’emploi/carrière ne permettent pas de pourvoir, afin d’améliorer leur intégration sociale et leur revenu global. Cette distinction permettrait de compenser quelque peu l’écart entre ceux qui ne peuvent ni ne veulent prolonger un travail ingrat, mais auraient avantage à trouver une alternative moins contraignante et ceux qui, par intérêt pour leurs activités, ne les abandonnent aujourd’hui que contraints et forcés.

Le fait d’entrer en dépendance devrait générer automatiquement une majoration de la retraite proportionnelle au degré d’invalidité.

Actuellement, plus de 70 % des retraités sont propriétaires de leur logement. C’est trop ou trop peu. Trop au sens où la propriété d’un logement est un frein à la mobilité géographique réputée nécessaire, trop peu au sens où les non propriétaires le restent en raison de revenus du travail insuffisants ou d’exigences de mobilité rendant une acquisition difficile.

Le frein à la mobilité que représente l’achat d’un bien pourrait être levé en permettant de déduire fiscalement le coût de la location d’une résidence principale du loyer retiré de la location d’un premier bien immobilier. Par ailleurs, de même qu’il existe un compte personnel de formation, les avantages consentis pour l’acquisition d’un logement pourraient passer par un compte personnel pour l’acquisition abondé de diverses manières et favoriser ainsi l’acquisition d’un logement en vue de la retraite. On pourrait aussi admettre qu’il soit possible d’acquérir progressivement des droits d’occupation viagère dans un organisme de logement social.

Ne s’agit-t-il pas de mesures trop coûteuses ?

La vraie richesse d’un pays est la quantité de travail utile consentie par la population. En rendant attrayant l’exercice prolongé d’une activité, nécessaire sur le plan de la santé physique, mentale et sociale, on augmenterait la satisfaction des citoyens concernés pendant leur retraite mais également le fonctionnement global de la société. Une cité dans laquelle les personnes âgées sont nombreuses doit non seulement les prendre en charge, mais aussi les intégrer pour leur bien-être, tout en en allégeant le poids pour les générations plus jeunes qui ont d’autres charges.

 

 

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