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Réduire les inégalités

Publié en mai 2022
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Tous les candidats à l’élection présidentielle ont inscrit à leur programme, sous une forme ou sous une autre, la réduction des inégalités. Les uns plutôt par un transfert des plus riches vers les moins bien lotis, les autres par une augmentation des revenus les plus modestes financée par un surcroît d’activités économiques. Cette unanimité témoigne d’un véritable besoin, mais laisse largement dans le flou les moyens d’y parvenir.

La première approche vise en priorité la réduction des inégalités, l’autre à relever le niveau des revenus, la réduction des inégalités n’en étant qu’une conséquence.

Pour les premiers la réduction des inégalités a une vertu en soi. Elle serait souhaitable même si elle ne se traduisait que par l’abaissement des revenus des plus riches sans profiter aux plus modestes. L’inégalité en soi est ressentie comme une injustice. La supériorité admise, celle du sportif professionnel ou de la vedette de la chanson qui gagne plus qu’un PDG du CAC 40, l’est par ce qu’elle n’a rien d’héritée, ni financièrement ni culturellement, mais tient à l’individu lui-même ou au hasard et non à un privilège supposé.

La seconde approche part du principe que la richesse globale naît de l‘activité et qu’il faut donc encourager le travail et l’initiative pour disposer de ressources à répartir, le premier encouragement étant une juste rémunération de l’effort. L’organisation de transferts sociaux au profit de personnes ne pouvant travailler est admise à condition qu’il existe un écart suffisamment élevé entre le revenu du travail et le revenu de transfert pour marquer la reconnaissance de la société à ceux qui la font vivre.

Les deux approches peuvent se rencontrer sur un point : limiter le rôle de la richesse héritée. Plus de 50 % des patrimoines sont acquis par héritage et les héritiers, en tant que tels n’ont pas participé à l’accroissement de la richesse collective. Leur supériorité affichée, fondée sur de gros patrimoines, est ressentie comme une injustice particulièrement insupportable, en particulier lorsqu’elle s’accompagne de l’ostentation, de l’extravagance ou de l’inutilité sociale.

Les projets qui comportent une promesse de transfert de richesses des plus riches vers les plus pauvres nourrissent cependant deux illusions que leurs partisans ignorent ou sous-estiment fortement :

  • Les exemples mis en avant sont les patrimoines de la poignée d’ultra riches qui existent dans le pays. La répartition de leurs revenus sur la multitude ne répondrait pas à leurs attentes.
  • Beaucoup qui se croient les bénéficiaires potentiels d’une politique de redistribution favorable aux bas revenus, devraient, au contraire, accepter des transferts à leur détriment au profit des plus pauvres pour que l’amélioration du sort de ces derniers soit significative.

Les « milliardaires » français tels qu’ils apparaissent dans le classement du magazine Challenges pour l’année 2021 sont au nombre de 105 et leur fortune va de 1 à 157 milliards d’euros, pour un montant total de 730 milliards d’euros, fortune en grande majorité faite de titres cotés dont la valeur est volatile. Ils représentent des actifs industriels.

Toute mesure politique concernant leur propriété verrait leurs cours s’effondrer et risquerait d’affaiblir le tissu industriel du pays. Seul le revenu de ces heureux propriétaires pourrait faire l’objet pour partie d’une redistribution par l’impôt. Il est difficile à évaluer. Si on regarde les dividendes versés par les mastodontes présents dans la liste – LVMH, Hermès, L’Oréal, Kerring… – on voit qu’ils se situent le plus souvent autour de 2 % par an, de la valeur des titres. Extrapolé aux 730 milliards d’euros, cela signifierait environ 15 milliards par an avant impôts. La redistribution aux ménages, dont le revenu disponible par unité de consommation est inférieur à la médiane (19 550 € par an en moyenne), représenterait au maximum 1000 € par an si l’État renonçait à l’impôt qu’il perçoit actuellement ou 700 € dans le cas contraire, soit 58 € par mois !

Bien entendu, l’effet serait plus massif s’il était concentré sur les premiers déciles plutôt que sur la moitié de la population, il faudrait toutefois maintenir un écart entre revenus du travail et revenus de transfert et aussi de ne pas uniformiser excessivement autour du niveau du SMIC, les revenus les plus bas. D’ores et déjà, 20 % des salariés touchent le SMIC. En allant au-delà on risque de décourager les efforts de qualification en vue de gagner plus, pourtant nécessaires aux individus eux-mêmes autant qu’à la collectivité.

La totalité des revenus perçus par les 1 % les plus riches (soit 280 000 contribuables) ne représente au demeurant que 31 milliards. Saisis en totalité, ce qui ne serait concevable à aucun point de vue, cela n’apporterait encore qu’une ressource double par rapport aux revenus des 105 milliardaires !

Le président Hollande a provoqué, au cours de son mandat, un tollé en évoquant le revenu mensuel de 4000 € comme le seuil de la richesse. Personne disposant de ce revenu brut ne se considère comme riche ! C’est le plancher des revenus figurant dans les 20 % les plus élevés. Pour disposer d’un montant significatif à redistribuer, c’est probablement le nombre minimal de contribuables à solliciter.

Le problème serait-il donc insoluble ? Non pas.

La priorité des priorités est la croissance. Chaque point de PIB crée un pouvoir d’achat de 15 milliards d’euros par an et le processus est cumulatif. En second lieu, comme l’a mis en évidence le rapport Tyrole, il faut réformer profondément les droits de succession, à la fois pour éviter la création de patrimoines dynastiques qui tendent à se développer de manière exponentielle puisque leurs revenus ne sont consommés que marginalement et pour capter une fraction de la création de richesses résultant de la valorisation des actifs qui ne peut être imposée sans inconvénient au moment où elle se constitue et qui, pour les grandes fortunes évoquées, est la source principale de gains.

La troisième mesure est d’admettre qu’une réduction des inégalités significative appelle un effort de tous ceux qui sont au-dessus de la médiane, bien sûr à un taux progressif. Un effort représentant globalement 10 % des revenus supérieurs à la médiane correspondrait à 30 % des revenus inférieurs à celle-ci.

Les modalités auraient une incidence forte sur la prospérité générale et l’avenir. En premier lieu, elles risqueraient de réduire significativement la volonté d’entreprendre des plus riches et les priveraient d’ailleurs de moyens d’investissement et en pousseraient un certain nombre d’autres à l’exil. Or 65 % de la valeur ajoutée des entreprises va aux travailleurs. Une réduction faible de l’emploi aurait vite fait de dépasser l’effet positif du transfert.

Il y aurait également des conséquences sur les échanges extérieurs : une bonne partie du revenu des populations les plus modestes sert à acquérir des biens achetés à l’étranger. L’interdiction de certaines de ces importations pour éviter cet inconvénient, ferait perdre de son pouvoir d’achat à la population française. Pour la seule Chine, en prenant comme critère d’évaluation la parité de pouvoir d’achat, l’arrêt des importations au profit de fabrications locales ou de pays similaires à la France aurait pour conséquence une baisse de l’ordre de 10 % du pouvoir d’achat.

 

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