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Quelques conséquences de la pandémie

Publié en avril 2020
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Tout le monde s’accorde progressivement à penser que la crise provoquée par le covid-19 va avoir d’importantes conséquences dans tous les domaines.

C’est un constat assez fascinant car il est encore trop tôt pour dresser un bilan humain. Il est probable à ce stade qu’il sera moins important que celui d’autres pathologies auxquelles on est habitué, non seulement en termes numériques, mais aussi en raison de ses conséquences sociales immédiates, dans la mesure où il frappe peu de jeunes et d’actifs.

Les conséquences que l’on anticipe sont si importantes qu’on peut se demander si n’existait pas dans l’inconscient des populations l’attente d’une crise pour résoudre nombre de problèmes insolubles dans le cadre du statut quo.

Les crises provoquées par la révolution et les guerres ont ces objectifs et ces conséquences. De même, le Brexit à son niveau, est moins un projet que l’ouverture d’une page blanche en vue de rendre possible une nouvelle histoire.

Pourquoi une crise sanitaire, certes non provoquée, ne pourrait-elle avoir les mêmes conséquences du fait des réactions des pouvoirs politiques et des opinions publiques ?

Le monde ne va pas basculer du jour au lendemain à la fin du confinement, les habitudes anciennes vont reprendre : habitat, lieu et nature du travail, besoin de consommation et offre de produits ne vont pas changer instantanément et le droit va continuer à imposer à chacun le respect de ses engagements antérieurs, mais les forces qui déterminent leur évolution vont se retrouver renforcées.

La plus importante au cours des dix dernières années a été le décollage des préoccupations écologiques dans le débat et les comportements publics. Épargner la planète tout en améliorant qualitativement la vie de ses habitants est devenu une priorité.

Cette évolution se heurte cependant au fait qu’une bonne partie de la population, en retard sur le plan économique et social souhaite légitimement rejoindre les plus favorisés et ne pas faire les frais de la transition écologique : « La fin du mois avant la fin de la planète ».

La crise sanitaire va renforcer les forces en faveur de la transition écologique et réduire celles qui s’y opposent. Elle a en effet valorisé des perceptions, des sentiments, des idées auparavant marginalisées dans la vie courante.

La peur de la mort, bizarrement forte par rapport à celle qu’inspirent d’autres risques objectivement plus importants a redonné de l’importance à l’essentiel par rapport à l’accessoire, au permanent par rapport à l’éphémère, à l’être par rapport à l’avoir. Le confinement a permis d’apprécier l’ici par rapport à l’ailleurs, l’entre soi par rapport à la solitude et à la foule.

La généralisation brutale du télétravail que personne ne jugeait possible un mois auparavant, avec des équipements pas toujours adaptés ou bien dimensionnés, sans expérience préalable à cette échelle, en a fait apparaître certes les limites et les inconvénients, mais démontré surtout qu’elle était possible et comportait d’énormes avantages.

Le retour d’expérience va permettre d’en gommer progressivement les aspects négatifs et d’en faire le nouveau modèle de référence de l’organisation du travail.

Le télétravail s’attaque à plusieurs points durs de la transition écologique :

      • • Les transports qui sont non seulement de gros consommateurs d’énergie et de grands pollueurs mais contribuent massivement à la dégradation des conditions de vie. A raison de deux heures par jour en moyenne, les déplacements domicile-travail représentent l’équivalent de trois mois de travail supplémentaires par an et de dix ans sur une carrière. C’est infiniment plus que les quelques mois faisant débat à propos de l’âge de départ à la retraite. Les transports sont en outre une cause de vulnérabilité en raison des accidents dont ils sont l’occasion, mais aussi des risques sanitaires, technologiques, sociaux et terroristes, inhérents à leur fonctionnement.
      • • L’habitat : la tendance depuis la fin de la deuxième guerre mondiale est à la formation de mégalopoles. Or, si les grandes villes ont de tous temps été synonymes d’abondance, de culture, de santé et de sécurité, c’est désormais largement l’inverse. Hormis quelques aspects de la culture dont le grand public ne profite d’ailleurs pas, le seul handicap des villes petites et moyennes est un accès limité au travail auquel le télétravail peut remédier.

Le télétravail concerne pour l’instant essentiellement les activités tertiaires implantées dans les grandes villes, son développement peut donc être une importante source d’économie pour les entreprises, tant du fait du moindre besoin d’espace que de la baisse des prix que la généralisation du phénomène provoquera. Ces économies seront naturellement partagées avec les salariés louant, en quelque sorte, leur propre espace à l’entreprise. Le télétravail résoudra également le difficile problème de la mobilité auquel sont confrontées les entreprises, mais qui pèse aussi beaucoup aux salariés quand elle est imposée.

La vie des territoires devrait s’en trouver revitalisée au profit d’une population qui se sent aujourd’hui délaissée, d’autant que Le travail a deux fonctions : assurer la production et distribuer un revenu. Si la production est assurée sans travail, le revenu correspondant peut être réparti selon d’autres critères et donc libéré de toutes contraintes de localisation.

Le télétravail va progressivement s’attaquer au travail physique, grâce au numérique et à la robotisation. Celle-ci peut permettre d’effectuer certaines tâches automatiquement mais a besoin d’hommes pour compléter et surveiller à distance les machines. L’exemple des drones utilisés par l’armée américaine au Moyen Orient et pilotés depuis le Nevada l’illustre.

On peut concevoir qu’à l’image des centres téléphoniques situés un peu partout dans le monde émergeant, se créent dans les territoires des centres de travail capables de fournir aux entreprises les services de télé-opérateurs de machines largement automatisées, mais nécessitant surveillance et conduite de robots d’intervention.

Les services à la personne, dont on attend également le développement, apparemment les moins réalisables à distance, peuvent l’être partiellement. Des expériences faites dans les hôpitaux danois montrent  des infirmiers peuvent suivre des malades à domicile pour limiter la durée des hospitalisations et beaucoup de tâches ménagères sont effectuées par des robots qui pourraient être télé opérés.

Le but n’est pas de supprimer totalement le travail, même si dans son essence, celui-ci est d’abord une contrainte, mais de réduire les déplacements, gagner du temps libre et améliorer la qualité de vie de tous.

Ces évolutions sont-elles certaines et si oui, quand pourra-t-on constater une avancée significative ? Seule l’existence de forces allant dans ce sens est certaine. Nos sociétés sont vulnérables, d’autres évènement imprévisibles, catastrophes naturelles ou guerres notamment, peuvent réorienter à tout moment le cours des choses. Ce pourrait être le cas d’une perturbation grave des réseaux électriques par exemple.

Aucun n’est probable, mais leur infinie variété potentielle doit nous convaincre qu’il s’en produira.

 

 

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