S'inscrire à notre newsletter

Prospective

Publié en juillet 2015
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Les hommes sont généralement attachés au statu quo et n’envisagent volontiers un changement que s’il leur est favorable. Cette donnée psychologique freine le consensus nécessaires à un quelconque projet.

Cette réticence à l’égard du futur a comme pendant une sous-estimation des évolutions passées. Certes, personne ne conteste que des changements importants se sont produits au cours des siècles précédents, mais le renvoi à des périodes éloignées conduit à négliger les changements récents. Admettre l’importance de ceux-ci permettrait de voir que d’autres changements sont actuellement en cours et de ne pas faire du présent une norme à préserver. Celui-ci est traversé par de multiples forces qui, par leurs effets combinés, vont changer le monde comme l’ont fait au XXe siècle une dizaine de ruptures profondes : sur le plan géopolitique, les deux grandes guerres, l’avènement et la chute du bolchevisme, la fin des empires coloniaux, la création de l’Europe ; les vaccins, les antibiotiques, la pénicilline, la voiture et l’atome sur les plans scientifique et technique.

L’existence de dix événements majeurs en un siècle montre que les ruptures ne sont pas des exceptions, mais l’expression même de la vie, et suggère qu’elles vont continuer à se produire.

D’ores et déjà, on peut identifier des forces qui sont à l’œuvre : le numérique, la croissance de la population mondiale accompagnée d’une dépression démographique dans les vieux pays développés, les changements climatiques, la reconversion énergétique et l’essor des biotechnologies. D’autres évolutions sont engagées sans qu’il soit possible de mesurer, pour l’instant, leur force de rupture et d’autres apparaîtront encore dont il n’existe pas de trace visible aujourd’hui.

L’émergence des techniques numériques n’est plus tout à fait récente, mais les nouvelles technologies n’apportent jamais dans un premier temps qu’une amélioration marginale de ce qui existe. Ce n’est qu’à partir d’un certain stade qu’un nouvel écosystème se crée. C’est le cas maintenant et le mouvement va s’accélérer. Les rapports entre les hommes, privés, marchands ou politiques se modifient : le travail, le transport, l’urbanisme, l’habitat et bien évidemment la politique en seront transformés.

La mondialisation des échanges va connaître une nouvelle phase, d’autant que l’obstacle des langues se réduira avec la domination absolue de quelques langues, la traduction automatique, et le développement d’un nouveau sabir à partir de l’anglais.

La seconde force d’évolution est la croissance de la population mondiale. Les problèmes d’immigration que rencontrent les pays riches, qu’ils ne savent pas comment gérer, ne sont que le signe avant-coureur de ce qui se prépare. La population mondiale va croître encore de 2 milliards, alors que bien des facteurs permettent d’anticiper la détérioration des conditions de la production agricole : changements climatiques, difficultés d’approvisionnement en eau, destruction des sols, urbanisation. Dans le même temps, la communication numérique informe les populations déshéritées sur ce qui se passe dans les pays développés et suscite leur envie légitime d’échapper à leur sort en émigrant, ce qui va accélérer l’entropie des structures politiques actuelles.

La reconversion énergétique, longtemps apparue comme une lubie d’écologistes, est en train de devenir une réalité. Les énergies nouvelles, le plus souvent locales, vont contribuer à la déstructuration des grands appareils politico-économiques centralisés.

La volonté des États de figer le présent dans des réglementations qui sont autant de lignes Maginot de papier consommant inutilement des ressources appelées à se raréfier, provoquera, comme souvent, le résultat contraire. La réalité leur échappe : les grandes sociétés du Net paient peu d’impôts, les chauffeurs d’Uberpop pas davantage, de même que beaucoup d’acteurs de l’économie collaborative.

Dans ce monde où les vieilles structures vont se défaire, des mouvements de restructuration selon d’autres lignes verront le jour : communautés virtuelles, mouvements religieux, mafias, régions autonomes, etc.

L’apocalypse, donc ? Non, la fin d’un monde et la naissance d’un autre, qui aura ses forces et ses faiblesses, ses gagnants et ses perdants, dont on craint l’arrivée comme auraient craint l’arrivée du nôtre, s’ils l’avaient prévue, nos concitoyens d’il y a un siècle. Ils considéraient comme la norme un monde rural, patriarcal, croyant, colonial, un monde de calèches et de chemins de fer, de familles nombreuses et de vies courtes, un monde dans lequel aucun vivant d’aujourd’hui ne souhaiterait retourner.

0

Vous pourriez aussi être intéressés par

Le blog de Jean-Claude Seys 02 2018

Data et pétrole

Certains commentateurs enthousiastes évoquent les data comme l’équivalent, pour l’économie du 21ème siècle, de ce qu’a été le pétrole au 20ème. D’autres font remarquer qu’à […]

Lire la suite
Le blog de Jean-Claude Seys 05 2015

Le numérique et les naufragés

Il n’y a, à première vue, aucun rapport entre le développement du numérique et le naufrage de malheureux immigrants en Méditerranée. Dans un monde complexe […]

Lire la suite
Le blog de Jean-Claude Seys 11 2014

Croissance et consommation

Tout change. Or les analystes n’étudient en général le changement que dans un domaine particulier. Plus rares sont ceux qui tentent de mesurer ses effets […]

Lire la suite
Le blog de Jean-Claude Seys 11 2014

Le numérique et l’emploi

Le développement du numérique aura des effets importants sur l’emploi : son volume, puisque c’est un facteur de productivité, sa nature, puisqu’il supprime des emplois traditionnels […]

Lire la suite
Le blog de Jean-Claude Seys 09 2014

Coût marginal zéro

L’essayiste Jérémy Rifkin publie un nouvel ouvrage intitulé La nouvelle société du coût marginal zéro dans lequel il évoque le crépuscule du capitalisme et l’essor […]

Lire la suite
Le blog de Jean-Claude Seys 09 2013

Fourmi or not fourmi ?

Hannah Arendt a très justement fait observer que, depuis l’Antiquité, la société connaît une évolution qui tend à réduire la sphère de la vie privée […]

Lire la suite

Suivez-nous sur Twitter

|PRESSE|
✅La #prospective ne s'use que si on ne s'en sert pas.
✅ Dans @LesEchos, l’éditorial de @cyberguerre
✅Les travaux de prospective n'ont jamais été autant disponibles. Mais sans réel impact sur les décisions politiques, regrette Nicolas Arpagian.

Image for twitter card

La prospective ne s'use que si on ne s'en sert pas

Conjoncture, nouvelles menaces, innovations technologiques… les travaux de prospective n'ont jamais été autant disponibl...

www.lesechos.fr

|PUBLICATION|🆕
✅#Lavenirduféminisme ♀️
✅En avant-première de la publication de son prochain ouvrage, @CarolineFourest nous fait l’amitié de répondre à nos questions et dresse, pour l’@InstitutDiderot , un état des lieux du #féminisme contemporain🔽
via

L'avenir du féminisme

Les combats féministes du siècle dernier, foncièrement universalistes et laïques, avaient pour objectif l’émancipatio...

issuu.com

|#Mémoire|
✅ En ce #8mai2023, nous célébrons les 78 ans de la capitulation du régime nazi, le #8mai1945 (le 9 mai en Russie), et nous pensons à toutes celles et ceux qui se sont battus pour la Liberté🇫🇷
✅ Bon #8Mai à tous !

|BLOG|
✅ Le billet d'humeur de Jean-Claude Seys
✅#Diversité & #Démocratie.
✅ Il est de plus en plus difficile, dans notre pays, d’obtenir le consensus d’une majorité de citoyens sur une orientation politique quelle qu’elle soit.
via @InstitutDiderot

Image for twitter card

Diversité et démocratie - Institut Diderot

Il est de plus en plus difficile, dans notre pays, d‘obtenir le consensus d‘une majorité de citoyens ...

www.institutdiderot.fr

|PRESSE|
✅ Quel est le rôle d’un chef d’#entreprise❓
✅ Dans @Challenges, l’éditorial d'#AndréComteSponville.
✅ Ce n’est pas la comptabilité ou l’arithmétique qui fait les bons patrons. La psychologie importe autant ou davantage.
✔️#entreprise
✔️#patronat

|PUBLICATION|🆕
✅Les échecs de la #vulgarisationscientifique🧠
✅La #science en otage de la #postvérité & de la #désinformation⚠️
✅Les exemples ne manquent pas : #nucléaire #climat #vaccin #OGM #5G…
✅Pour @InstitutDiderot, l’analyse de @EtienneKlein.

Petit plaidoyer matutinal pour l’organisation d’assises nationales de la diffusion de la culture scientifique.

Petit plaidoyer matutinal pour l’organisation d’assises nationales de la diffusion de la culture scientifique.

Étienne Klein : "La connaissance est une affaire publique. Mais la vulgarisation ne fonctionne qu'auprès de ceux auprès de qui elle fonctionne, c'est un truisme. Alors, la vulgarisation n'est plus seulement un projet culturel, mais politique." #le7930inter

Charger plus de Tweets