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L’espérance de vie

Publié en avril 2020
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

La pandémie du Covid-19 ravive dans l’esprit du public la peur de la mort qu’il s’efforce habituellement de bannir de ses pensées.

Statistiquement, la probabilité de chacun de voir sa vie s’interrompre prématurément du fait du virus apparaît à ce jour assez faible, mais l’homme ne vit pas que de statistiques. Il a d’ailleurs vu son espérance de vie s’accroître pendant la durée de vie de ses contemporains les plus âgés, c’est-à-dire un siècle, et passer de 48 ans à 82 ans comme une chose naturelle et normale. Il s’agit pourtant d’un phénomène exceptionnel dont la pleine conscience permettrait de mieux vivre, en tant que société, les variations aléatoires que peuvent entraîner des évènements dramatiques ponctuels.

A l’aube de la révolution industrielle, l’espérance de vie n’était en France que de 25 ans. Cela ne signifiait pas que quiconque approchait cet âge devait penser à rédiger son testament.

L’espérance de vie est l’âge auquel 50 % des personnes nées une année sont décédées. Au XVIIIème siècle, comme à toutes les époques antérieures au XXème siècle, et encore aujourd’hui dans certaines régions du globe, la mortalité à la naissance et dans la tendre enfance était considérable. Pour une personne parvenant à l’âge adulte, deux mouraient en bas âge, l’espérance de vie des quatre était donc arithmétiquement basse, mais un survivant pouvait atteindre un âge avancé.

En fait, tout au long de l’histoire les personnes vivant sous des climats et dans des conditions socio-économiques favorables pouvaient vivre longuement. On sait que dans l’Antiquité Grecque nombre de philosophes, comme Platon ou Diophante, ont atteint ou dépassé 80 ans. Beaucoup plus tard, on se souvient que Saint Augustin est mort à 76 ans et Louis XIV à 77 ans.

On pourrait citer beaucoup d’autres exemples, partout dans le monde et à toutes les époques, mais tous ces cas particuliers suggèrent l’existence d’un plafond autour de 80 ans.

L’énorme progrès de l’espérance de vie a commencé par la baisse de la mortalité infantile, sous l’effet des conditions de vie, d’hygiène en particulier, puis des vaccinations. L’amélioration pour les adultes a été décalée, favorisée elle aussi par de meilleures conditions de vie et de travail. Sur ce point, le basculement progressif de l’emploi de l’industrie vers le tertiaire a eu un impact significatif. La médecine a fortement contribué à la baisse de la mortalité dûe aux maladies infectieuses, à la suite de l’invention des antibiotiques. Tout ceci a permis de dépasser la limite de 80 ans qui paraissait être un plafond et d’atteindre un âge médian de 82 ans, hommes et femmes confondus.

Comment progresser encore ?

La priorité est de réduire le nombre de personnes décédant relativement jeunes (morts dites prématurées). On constate en particulier que certaines catégories socioprofessionnelles et les habitants de certaines régions se caractérisent par de moindres espérances de vie. Les ouvriers ou le Grand Est par exemple. Il s’agit des conséquences du faible niveau de vie moyen ainsi que des corrélats qui les accompagnent en termes de comportement et de culture. L’économiste et prix Nobel anglais Angus Deaton a d’ailleurs souligné le rôle de la pauvreté sur l’état de santé et par là même l’espérance de vie.

Les causes qui ont permis l’accroissement de l’espérance de vie ne semblent plus avoir autant de potentiel ; les conditions de vie semblent plutôt facteurs de dégradations possibles, avec la pollution, le stress, les addictions, l’obésité, la circulation rapide des virus dans le monde.

Les progrès de la médecine sont désormais plus lents ; la lutte contre les maladies infectieuses est menacée par le développement des résistances aux antibiotiques et celles contre les grandes pathologies chroniques à l’origine de l’essentiel de la mortalité, maladies cardiovasculaires et cancers sont constants, mais lents et coûteux.

Au plafond historique des 80 ans en a succédé un nouveau de l’ordre de 105 ans. L’atteinte de ce celui-ci par une plus grande fraction de la population va s’avérer difficile, du fait de la multiplication des maladies chroniques. La sélection naturelle ne jouant plus, les comorbidités se multiplient et leur traitement requiert d’importantes ressources. De plus, l’organisation du système de santé ne permet pas, dans nombre de cas, de prendre en charge correctement ces comorbidités. La société va ainsi se trouver confrontée au coût de ces traitements, d’autant plus important que le nombre de personnes âgées s’accroît.

Cela n’empêche pas certains d’espérer élever également le plafond actuel : c’est le but des transhumanistes, qui imaginent que la mort pourrait être indéfiniment repoussée par le remplacement progressif des organes usés.

Pendant longtemps, l’accroissement de l’espérance de vie n’a pas été un objectif en soi mais la conséquence d’éléments visant à améliorer les conditions de vie courante.

La volonté des transhumanistes marque un renouvellement total de perspective : le but est l’allongement de la durée de vie, non pas indépendamment de sa qualité, mais sans écarter l’hypothèse que le maintien en vie de l’organisme ne s’accompagne pas de celui de la vie affective, intellectuelle et sociale.

Les conditions externes qui ont tant concouru aux progrès antérieurs ne semblent pas pouvoir jouer un rôle positif dans cette nouvelle étape antinaturelle. Les avancées ne peuvent venir que de la science et avoir un coût très élevé pour la société, que les actifs de moins en moins nombreux et éloignés de plusieurs générations des personnes concernées, devraient refuser.

 

 

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