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Le sens du Brexit

Publié en juin 2016
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

La majorité des commentaires des dirigeants politiques et économiques face au Brexit reflète la consternation. Les plus sensibles à l’opinion publique pensent que c’est l’occasion de renégocier afin de corriger ce qui ne va pas dans la construction européenne sans aller jusqu’à en faire le diagnostic.

Dans l’ensemble, peu paraissent avoir compris le message ; certains ont même l’inconscience d’imputer « la faute » au premier ministre anglais coupable selon eux d’avoir fait voter. Tristes démocrates que ceux qui considèrent que c’est une erreur d’interroger le peuple ! Dans le rejet actuel de Nicolas Sarkozy par l’opinion, il y a pourtant le prix du mépris qu’il a témoigné à l’égard du référendum sur la constitution européenne ! Les élites en cause devraient se souvenir que lorsqu’il n’est pas répondu aux sommations, il devient légitime de tirer …

De quoi s’agit-il ?

Polybe a décrit, il y a vingt-deux siècles, comment les excès de tout régime politique finissent par susciter sa disparition en lui en substituant un nouveau qui entend remédier aux abus du précédent mais qui, lui aussi, sombre dans l’excès et se dégrade au point de rendre à nouveau nécessaire son remplacement par un autre régime.

Le phénomène est mécanique : dans un univers complexe, tout pouvoir désireux d’être efficace doit hiérarchiser les problèmes pour s’occuper prioritairement des plus importants ; c’est simplifier la réalité. Si l’action est efficace, ces problèmes cessent d’être ressentis comme importants par le peuple, mais les structures sociales qui ont contribué au succès vont tenter de poursuivre la même politique parce qu’elles ont intégré que c’est ce qu’il fallait faire et qu’elles en ont tiré gloire et avantages. Ainsi, par exemple, la BCE a continué à lutter contre l’inflation après que le danger a disparu et alors qu’il allait falloir bientôt la faire renaître !

Le bon peuple, qui a accepté de renoncer à ses autres attentes en acceptant la priorisation, appelle à une nouvelle priorisation qu’on lui refuse.

Comme l’indique Polybe, il faut changer de régime pour s’attaquer aux nouveaux problèmes et le passage de l’un à l’autre ne peut se faire sans troubles puisque ceux qui détiennent le pouvoir refusent d’évoluer.

Ainsi, les pouvoir installés un peu partout en Europe, dont les mérites passés ne sont pas en cause, ne veulent pas prendre sérieusement en compte les priorités nouvelles qui sont au nombre de trois, entre lesquelles il faudrait choisir.

–        Plus de liberté individuelle : il est étrange que la génération de mai 68, dont le mot d’ordre était « il est interdit d’interdire » n’ait eu de cesse, parvenue au pouvoir, de multiplier les lois, les règlements et les normes jusqu’à l’absurde. Il faut pouvoir respirer sans avoir à demander une autorisation administrative. Les anglais l’ont exprimé clairement.

–        Plus d’égalité : le libéralisme est le régime qui permet le développement optimal d’une zone vaste et hétérogène. Il a été efficace tant au plan international – émergence de nombreux pays – que national, mais il génère des inégalités qui, à partir d’un certain niveau, deviennent contreproductives : quand elles génèrent trop d’épargne et pas assez de consommation pour justifier son investissement.

–        Plus de considération pour les hommes : l’optimum théorique consiste à opter pour des solutions qui profitent au maximum de personnes. S’il s’agit de construire une usine, par exemple, mieux vaut sans doute la construire en Roumanie qu’en France car les retombées avantageront davantage de citoyens de l’Europe. Malheureusement, les conséquences ne sont pas équitablement partagées : pour beaucoup, la décision sera indifférente, pour d’autres, consommateurs et industriels concernés, elle sera favorable. Pour ceux qui perdront leur emploi, probablement à vie, elle est inacceptable et il est vrai qu’une décision optimale sur les plans économique, social et même moral ne l’est pas tout à fait quand elle n’est payée que par une minorité : de proche en proche, le sentiment d’injustice se répand.

Le vote sur le Brexit nous invite aussi à regarder l’adaptation des états – construction historique relativement récente – aux besoins nouveaux. Quid de l’Ecosse si le Royaume Uni quitte l’Europe ? Celle-ci ne peut accepter l’adhésion automatique de l’Ecosse, sauf à prendre le risque d’une contagion au détriment de plusieurs membres importants. Elle ne peut pas davantage la rejeter. Il faut donc, et elle le fera, contrairement aux déclarations vengeresses de certains hommes politiques qui ne prennent pas en compte que l’histoire se poursuivra après eux, faire assez de concessions à la Grande Bretagne pour que le Royaume reste Uni, c’est-à-dire accepte la participation à un espace européen renforcé dans une Union Européenne resserrée sur l’essentiel.

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