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Le mariage, pourquoi faire ?

Publié en février 2013
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

La société française se divise sur la question du mariage pour tous. Les adversaires échangent des arguments définitifs, convaincus de leur valeur morale intemporelle et universelle. Il n’est donc pas inintéressant de revoir l’histoire de cette institution. Celle-ci a été en permanence marquée par des absolus, tels que l’interdiction de l’adultère ou de l’inceste. Mais des absolus ont toujours été très relatifs, interprétés différemment selon les époques et les lieux. Ainsi l’inceste entre un homme et sa nièce est condamné à Sparte s’il s’agit d’une nièce utérine, non si elle est agnate, alors que la situation est inverse à Athènes.

Le mariage et sa mise en scène semblent avoir eu trois objectifs principaux :

– L’organisation d’une publicité destinée à faire connaître le caractère durable et officiel d’une liaison en vue de décourager les relations sexuelles des mariés avec des tiers, constitutives de l’adultère et sévèrement sanctionnées, parfois jusqu’à la peine de mort. Ce souci d’éviter des relations hors mariage a pour objectif d’assurer le caractère certain de la paternité et n’est pas nécessairement exclusif de la polygamie, ou, plus exactement, de la polygynie. La polyandrie, qui pose le problème de la paternité, a toujours été peu importante et liée, semble-t-il, à des circonstances particulières. Avec l’avènement du christianisme, la publicité du mariage a également eu pour objectif de vérifier que n’existait aucun empêchement au mariage (mariage antérieur ou lien de sang constitutif d’inceste).

– La deuxième préoccupation est le règlement des relations patrimoniales ; à notre époque, où la grande majorité de la population vit de son travail, on tend à perdre conscience de ce qu’a pu représenter autrefois le patrimoine en tant que seul moyen d’échapper à la misère et, parfois, d’accéder à la citoyenneté. Ces préoccupations sont moins fortes aujourd’hui, mais des considérations relatives à la fiscalité et aux droits sociaux les complètent parfois. Dès le Code de Hammourabi il y a près de 4 000 ans, la contribution des familles à la constitution du patrimoine d’un nouveau couple a fait l’objet de prescriptions précises allant jusqu’au sort de chaque élément en cas de rupture pour décès ou divorce, selon qu’existaient ou non des enfants et des fautes éventuelles.
La certitude de la paternité et la sauvegarde du patrimoine ont permis deux choses. Premièrement, créer des lignées, c’est-à-dire quelque chose qui perdure au-delà de la mort, en particulier les conditions du culte des ancêtres. Ensuite, de pérenniser des biens qui représentent les efforts cumulés des générations antérieures : il y a un devoir de transmettre ce qu’on a reçu. Mais alors qu’avoir la certitude de la paternité paraît une obsession à bien des époques et en bien des lieux, le souci de maintenir une lignée s’accommode fréquemment de l’adoption dans un cercle plus ou moins ouvert. L’enfant né d’une concubine, d’une servante ou d’une esclave peut ainsi remplacer l’enfant que l’épouse n’a pas eu, tant vis-à-vis du père que d’elle-même. À défaut, l’enfant peut provenir d’une autre partie de la famille, voire être totalement étranger.

– Le mariage a enfin une fonction sociale et/ou politique. Bien des cultures imposent qu’une veuve soit épousée par un proche du mari décédé et le non-respect de cette obligation peut être durement sanctionné. Il en va du maintien de la lignée et d’une solidarité obligée à l’égard de quelqu’un qui a été admis dans la famille. Pour les familles importantes, c’est le moyen de nouer des alliances politiques dont le succès tient toutefois à la naissance d’enfants, en particulier de garçons.

Toutes ces préoccupations s’inscrivent dans une certaine conception du monde. D’autres ont existé, d’autres ont été imaginées. Ainsi, pour Platon, les femmes devaient être communes à l’ensemble des hommes et réciproquement ; les enfants élevés séparément dans des conditions ne permettant pas aux parents biologiques de reconnaître les leurs ; les accouplements, enfin,  autorisés par les instances dirigeantes sur des critères visant à l’amélioration des qualités de la population. La cérémonie du mariage n’est alors que la mise en scène de l’autorisation de procréer accordée à un couple, à renouveler à chaque changement de partenaire. La famille, dans cette conception, était constituée par le groupe social pris globalement, tous les membres d’une même génération ayant le même statut à l’égard des groupes générationnels : frère ou sœur, grand-père ou grand-mère, père ou mère, fille ou fils. L’inceste était constitué par la relation entre deux personnes de générations différentes, puisque réputées père et fille ou mère et fils.

Dès lors que la possibilité physique de procréer n’existait pas (pour raison d’âge ou autre), la liberté sexuelle était totale.

Dans cette conception des choses, le patrimoine privé ne pouvait exister.

La finalité derrière ces trois objectifs est évidemment de stabiliser et de pacifier les relations sociales, l’absence de règles conduisant à admettre que les rapports sociaux, dans ce domaine essentiel comme dans d’autres, ne soient que des rapports de force.

Quelles leçons peut-on tirer de ces considérations polies par le temps ?

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