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L’assurance des professions médicales

Publié en mai 2011
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

L’assurance des professions médicales à risques pose des problèmes qui voient à s’affronter professionnels, assureurs et pouvoirs publics. Ces derniers conçoivent en réponse des usines à gaz qui aggravent les difficultés plutôt qu’elles les résolvent.

Les choses apparaissent pourtant assez claires si on les regarde d’assez loin. Dans un environnement libéral, les praticiens doivent trouver un assureur qui leur fait payer le prix du risque. Le praticien répercute sur son client, comme tout fournisseur de produit ou de service, cet élément de son propre coût. Dans ce cadre, le coût des prestations santé est élevé et les soins réservés à des privilégiés. Les autres ne peuvent y accéder. C’est le système américain quelque peu amendé par la réforme Obama. Il a sa cohérence logique, au prix de l’exclusion d’une partie de la population.

On peut imaginer le système inverse, également cohérent, qui est celui de l’hôpital public français : la sphère publique fixe le tarif des actes et la rémunération des acteurs et règle le coût des sinistres par le truchement d’une assurance qui se contente de les mutualiser.

En revanche, la situation du secteur privé est actuellement absurde.

En effet, les pouvoirs publics fixent les honoraires des praticiens sans considération de leur coût d’exercice, en particulier celui de leur assurance qui est très significatif dans les spécialités à risques. Les pouvoirs publics contribuent par ailleurs à former le coût de sinistres indemnisés en fonction des dispositions législatives qu’ils arrêtent et de leur interprétation judiciaire.

Les assureurs demandent, dans ce cadre, des primes qui sont fonction des sinistres. Or nombre de professions ne peuvent les payer parce que leur rémunération n’en tient pas compte.

Pour maintenir la pression sur la profession en deçà de l’explosion, les pouvoirs publics prennent alors en charge une partie des primes d’assurance et des sinistres. L’ONIAM, indemnise les sinistres de plus de 3 millions d’euros, mais a le pouvoir d’exercer une action récursoire contre le praticien pour récupérer ce qu’elle a versé.

Le secteur public soutient donc la profession en apportant une contribution au paiement des primes et en limitant le coût de l’assurance par un plafonnement de la prise en charge. Mais en raison de l’existence de l’action récursoire, cela revient à interdire de fait l’assurance pour les risques les plus graves.

Le dispositif est donc particulièrement complexe et dépourvu de logique. Personne ne peut dire quel est le but réellement recherché. La seule chose qu’on puisse dire, c’est que ce système aboutit à l’insatisfaction générale.

Une solution simple et rationnelle serait pourtant envisageable. Puisque les pouvoirs publics fixent le niveau des honoraires et, par les règles d’indemnisation et leur interprétation judiciaire, le montant des sinistres, ils doivent fixer les honoraires à un niveau permettant de payer l’assurance ou de prendre en charge les sinistres.

Ceci, exception faite des praticiens ayant une mauvaise pratique. Celle-ci peut être identifiée grâce au nombre des sinistres, plus qu’à leur coût.

En effet, la médecine n’est pas une science parfaite et un certain taux de sinistralité, variable avec la spécialité, est inévitable. Un certain nombre de praticiens dépassent largement ce seuil incompressible et il est raisonnable qu’ils paient de leur poche les sinistres ou une assurance pour les couvrir.

Ce dispositif très simple se heurterait à une seule difficulté : comment déterminer la sinistralité anormale ? La consultation des professionnels de chaque spécialité permettrait d’arrêter des critères et des normes statistiques adaptés à chaque spécialiste. L’orthopédie par exemple, est une source de plaintes plus fréquentes que d’autres activités. Les statistiques historiques pourraient ainsi déterminer qu’un taux de sinistralité de 1 % est normal – soit 2 par an pour un praticien pratiquant 200 actes par an. 3 ou plus serait alors une sinistralité anormale à supporter par le praticien ou son assureur.

L’expérience pourrait permettre d’améliorer ce dispositif en tenant compte d’un lissage dans le temps, afin d’éviter de mauvaises séries aléatoires. La répartition entre garantie publique et assurance personnelle pourrait ne pas se faire en raison de la chronologie (les deux premiers sinistres au public et la suite au privé par exemple), mais en fonction du degré de responsabilité du praticien déterminé par une instance ad hoc.

Article publié dans Le Quotidien du médecin du 19 mai 2011.

Dernières nouvelles :

Les pouvoirs publics viennent d’annoncer leur intention de modifier le dispositif en place de la manière suivante : le plafond des risques à la charge des praticiens et de leurs assureurs serait porté a 8 millions d’euros… Au-delà de 8 millions, un dispositif public prendrait en charge les sinistres, la possibilité d’une action récursoire étant désormais abandonnée. Le financement en serait assuré par une cotisation de 20 euros par an recouvrée sur tous les acteurs libéraux du système de santé.

Il y a un progrès dans la logique, mais il est très limité. L’existence d’un plafond de garantie réduit le coût de l’assurance et la rend plus accessible, mais pas assez. La prise en charge partielle des cotisations doit être poursuivie. Par ailleurs, recouvrer 20 euros par acteur auprès d’un million de personnes coûtera cher en frais de gestion. C’est évidemment d’autant plus stupide que cette somme sera payée par les intéressés sur ce qu’ils reçoivent de la Sécurité sociale. Pour un généraliste moyen, 20 euros par an représenteraient un tiers de centime par consultation : le même résultat serait atteint en décalant la date d’effet de la prochaine augmentation des honoraires de quelques jours.

Trop simple, évidemment !

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