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La relance

Publié en avril 2016
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

La BCE vient de décider un important train de mesures visant à relancer l’activité dans la zone euro, parmi lesquelles une initiative originale consistant à prêter à taux négatif aux banques. Celles-ci sont massivement invitées à refinancer massivement les prêts à la consommation à bas taux.

Ces mesures, venant d’une Banque Centrale, sont à l’extrême limite de son rôle. Elles vont avoir un effet positif, mais hélas très insuffisant  car l’origine des problèmes n’est pas monétaire.

On a vu que la crise est largement due au fait que les populations les moins favorisées n’ont pas les moyens de consommer davantage et les plus riches, dont les besoins de consommation sont saturés, ne vont ni consommer plus ni investir puisque la consommation qui le justifierait ne va pas évoluer.

Entre les deux groupes évoqués ci-dessus existe une classe moyenne dont les besoins de consommation ne sont pas saturés et qui dispose d’un certain volume d’épargne : elle peut donc être incitée à consommer plus ; c’est elle que la baisse des taux va conduire à acheter plus de logements, ou d’équipements ; l’innovation dans l’offre de produits et services stimule également sa dépense.

Malheureusement, ces effets positifs seront réduits, voire annulés par l’absence de confiance en l’avenir qui résulte de son attrition ; ses moyens financiers tendent à se réduire et à être captés par des dépenses obligées, les risques de chômage l’inquiètent et les perspectives professionnelles sombres qui s’offrent à ses enfants l’effraient.

La relance par des mesures monétaires ne peut donc qu’avoir un effet très marginal.

Des économistes  iconoclastes, conscients de ces limites, ont suggéré que la Banque Centrale distribue directement du pouvoir d’achat aux ménages ; cette mesure aurait de la pertinence, mais les problèmes juridiques et institutionnels qu’elle pose,  en rendent l’adoption dans un délai utile totalement  impossible.

Au demeurant, il serait plus simple de faire tomber le dogme d’une limite à l’endettement public. La demande pourrait être soutenue par ce biais, tout en ayant conscience que tout soutien à l’activité, dans le futur comme hier, soulage le présent mais aggrave le problème de fond.

On pourrait espérer, si le supplément d’activité généré était suffisant, une reprise de l’inflation qui s’auto entretiendrait à partir d’un certain point. Cependant, les effets positifs à court terme résultant d’une réduction de la valeur des dettes et de l’incitation à acheter au plus vite, auraient pour contrepartie sur le long terme une réduction de la valeur des actifs ayant une forme monétaire (comptes bancaires, assurance vie en euros) qui appartiennent pour l’essentiel aux classes moyennes : celles-ci se trouveraient à nouveau laminées, alors que le 1% des plus riches détient essentiellement des actifs réels.

Faute de solution douce et consensuelle, au moins partielle,  la situation va s’aggraver et les sociétés finiront par imposer un jour des solutions instinctives, c’est-à-dire destructrices du système.

C’est d’autant plus préoccupant que l’évolution de l’économie s’inscrit dans un contexte plus général dans lequel existent certes des forces de nature à atténuer le problème, mais les plus importantes à court/moyen terme  vont dans le sens de l’aggravation : le progrès des technologies numériques va tuer des emplois et, contrairement aux précédentes innovations qui ont été, depuis le début de la révolution industrielle, des facteurs de productivité, celles-ci n’entrainent pas la création de produits et services destinés aux consommateurs susceptibles d’en créer un nombre équivalent : l’explosion en volume des produits et services numériques est accompagnée par une baisse de prix qui empêche la valeur ajoutée de croitre, en particulier sa composante travail. Pour obtenir un effet contraire, il faut attendre des innovations dont l’impact principal est sur l’offre de produits et services et non la productivité : c’est le cas pour les énergies alternatives et les biotechnologies, mais leur effet n’est pas immédiat.

La situation démographique va dans le même sens, qu’elle pousse les pays émergents à développer leurs exportations vers les pays développés ou qu’elle prenne la forme d’une immigration qui occupe des emplois.

Enfin la mondialisation, qui ne doit pas faire peur en tant qu’ouverture aux autres, crée un monde d’une grande complexité dans lequel aucune action nationale contre la crise ne peut avoir d’effet et, où le nombre et la diversité des acteurs ne permettent aucun consensus sur une solution mondiale.

Par ailleurs, la productivité des agents économiques nationaux est artificiellement réduite (consciemment ou non ?) par le développement d’une fantastique bureaucratie ; appliquée nationalement, elle aggrave le problème en rendant  l’économie nationale moins compétitive, alors que les frontières ont cessé d’être défendues. En fait, on renouvelle en économie l’erreur de la stratégie militaire des années 30 : signer des accords internationaux fondés aujourd’hui  sur la libérisation des échanges, à l’époque sur les promesses d’aides militaires réciproques, en s’organisant derrière des lignes Maginot, l’une rendant l’autre inefficace.

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