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La montée du populisme

Publié en juin 2015
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

La montée du populisme a longtemps été stigmatisée par les représentants des partis de gouvernement et, plus généralement, par le monde médiatico-politique. Il leur devient cependant difficile de se considérer comme de vertueux représentants de la démocratie tandis qu’un grand nombre de citoyens ne seraient que des voyous ou des imbéciles. En fait, toute une intelligentsia qui vivait directement ou indirectement des ressources publiques a peine à imaginer ce que sont désormais les conditions de vie de la moitié la plus vulnérable de la population. Une étude de la fondation Jean Jaurès intitulée Janvier 2015 : le catalyseur [1] montre à quel point une partie importante de la population vit au quotidien dans la crainte du lendemain, en raison du chômage et de ses séquelles sur le plan social, familial et psychologique. A cela s’ajoute l’insécurité culturelle, dans la mesure où cette partie de la population se sent progressivement devenir étrangère chez elle[2], et enfin une insécurité physique, sans doute plus ressentie que réelle dans bien des cas. Le sentiment d’insécurité est en effet alimenté par le monde politico-médiatique lui-même qui évoque en boucle, jusqu’à l’insupportable, tout drame ou incident. Le sentiment d’insécurité détourne l’attention des problèmes que les politiques ne savent résoudre et permet aux journaux d’accroître leur tirage.

Comment a-t-on pu en arriver là ?

Si l’on compare la situation actuelle à celle des Trente Glorieuses, qui se sont achevées avec les crises du pétrole des années 70, le niveau de vie objectif s’est amélioré, même pour les classes les moins favorisées – à l’exception peut-être du dernier décile. Pourtant, l’insatisfaction a spectaculairement augmenté. Les raisons semblent être les suivantes :

1/ le libéralisme s’est imposé comme le cadre le plus favorable à l’expansion économique, notamment en regard des piètres performances des économies dirigées des pays du bloc soviétique.

L’ouverture des frontières, en favorisant la spécialisation internationale du travail et l’émergence de pays pauvres dans la concurrence internationale a contribué, avec la poursuite du développement technologique, à l’amélioration globale du pouvoir d’achat. Celle-ci s’est cependant traduite de façon inégale selon la position sociale. Pas tant sur le plan monétaire, ce qui aurait pu être secondaire, qu’en matière de sécurité et ou de précarité.

Cette victoire du libéralisme n’a pas été trop difficile, beaucoup y trouvant un avantage en tant que consommateur. Encore fallait-il garder son emploi, ce que chacun peut espérer d’un point de vue microéconomique, mais ne peut être vrai dans l’ensemble.

La détérioration de l’emploi et donc de la situation sociale s’est rapidement fait sentir. Pour y remédier, après avoir ouvert largement ses frontières, la France s’est lancée dans une politique de réglementation à tout va rendant son économie non compétitive, et renforçant ainsi le problème.

2/ Cette situation s’est trouvée encore aggravée par l’entrée dans l’euro sans s’y être préparé. La réussite économique de l’Allemagne avec, et dans une certaine mesure grâce à un mark fort, avait convaincu les politiques qu’une monnaie forte était un atout, ce qui n’est vrai que si tout est fait par ailleurs pour être fort. Une monnaie forte est un mauvais choix pour un pays en mauvaise santé.

3/ Une sociologie défavorable. Si, à une époque, les privilégiés représentent 10 % de la population, une majorité démocratique de 50 % se compose majoritairement de non favorisés. L’évolution depuis la Deuxième Guerre mondiale a conduit au développement de plusieurs strates de privilégiés relatifs qui forment aujourd’hui une majorité. Les plus défavorisés, très nombreux mais minoritaires ne peuvent plus faire entendre leurs voix.

Le populisme est une réaction de ces populations qui se sentent à la fois agressées et non défendues. Le mécanisme qui a gonflé leur nombre poursuit son travail, faisant basculer chaque jour de nouveaux groupes de « privilégiés ». Il est donc naturel que le mouvement se renforce et finisse par l’emporter si une prise de conscience n’intervient pas au plan politique. Cette prise de conscience doit conduire à imaginer et à mettre en place un nouveau modèle. Celui-ci devrait associer réduction de l’excès de libéralisme au plan international et allègement des normes et réglementations internes. Ces deux directions sont malheureusement politiquement opposés et de ce fait intellectuellement difficiles à concevoir.

[1] Texte disponible sur : http://www.jean-jaures.org/Publications/Essais/Janvier-2015-le-catalyseur.

[2] À cet égard, que des communes aient décidé de n’offrir que des repas halal dans les cantines scolaires, au motif que le hala est obligatoire pour les musulmans alors qu’il est indifférent pour les autres, montre un réel mépris pour ce que les citoyens ont le droit de considérer comme leur culture (la population éduquée disposant, elle, d’un savoir qui la rend indifférente à ces remises en cause de la culture en tant que normes de vie).

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