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La crise sanitaire, un événement aux conséquences globales

Publié en mars 2020
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Les réactions à la crise du Covid-19 modifient énormément deux choses et la vitesse avec laquelle le monde entier a pu abandonner ses préoccupations individuelles ou collectives pour faire de la lutte contre le virus le centre quasi exclusif de ses réflexions, actions et commentaires, est proprement stupéfiante. Certains gouvernements ont pu être accusés de lenteur pour avoir mis quelques jours de plus que d’autres à arrêter certaines mesures de précautions mais au regard de l’étendue et de la vitesse des changements à venir, ce n’est pas même anecdotique.

Ce phénomène est d’autant plus étonnant que, pour grave que sont les conséquences sanitaires de la pandémie, elles n’ont pas, à ce jour, l’ampleur d’autres catastrophes humanitaires qui n’ont pourtant aucune conséquence autre que directe pour les victimes et le système de santé.

A ce jour, le nombre de décès du virus est encore inférieur à 10 000 et l’épidémie semble à peu près maîtrisée dans son premier foyer, la Chine, qui en compte environ 3500 pour une population de 1,4 milliard.

Face à ce chiffre, on peut rappeler que les maladies pulmonaires en général, tuent 2,5 millions de personnes chaque année, le Sida 800 000, le paludisme 500 000, mais aussi que la guerre en Syrie a fait 370 000 morts dans un espace limité et que la pauvreté, de manière insidieuse, est responsable d’un nombre de morts non calculable mais assurément élevé.

Il ne s’agit pas d’établir un classement des malheurs du monde mais de tenter de comprendre pourquoi certains sujets réussissent à accaparer l’attention alors que d’autres laissent relativement indifférent et pourquoi l’onde de choc, comme une nuit du 4 août mondiale, a des conséquences indirectes, économiques, sociales sociétales et donc politiques aussi larges.

La première raison de l’intensité de l’impact est que le risque d’être victime est apparu brutalement comme une menace pour toute la population. Le cancer et les accidents cardio-vasculaires tuent d’avantage mais on y est habitué. D’autres catastrophes ne menacent que certaines populations, laissant toute leur quiétude aux autres. L’attentat terroriste du 1 septembre 2001 a eu aussi des répercussions psychologiques qui ont largement dépassé ses conséquences directes, mais son caractère circonscrit, puis progressivement la banalisation du terrorisme ont limité les conséquences indirectes à des mesures de sécurité et quelques atteintes, ici ou là, aux libertés traditionnelles.

Une deuxième raison explique la force de l’impact : le rôle du politique. De fait, à tort ou à raison, les morts du Covid-19 sont perçus davantage comme le résultat d’insuffisances des États que de la dangerosité du virus, du fait du sous-équipement des hôpitaux, de l’imprévision, voire du retard dans la mise en œuvre des mesures de précaution.

Il importe peu à ce stade de déterminer ce qui est vrai ou non et notamment la part, dans ce qui est exact, de l’influence de l’opinion politique elle-même sur les décisions ou absence de décisions reprochées aux États. La recherche d’un bouc émissaire est nécessaire à la santé mentale d’un peuple, et un gouvernement est, de ce point de vue, préférable à un virus dont on ne peut se venger. Les intéressés, conscients de cette menace, sur-réagissent donc.

Il y a d’autres raisons dont la plus importante me parait être la suivante : trois générations de paix et de prospérité relatives ont créé de multiples rigidités. Des intérêts se battent pour que ne change pas un environnement favorable pour eux : grandes entreprises, consommateurs, administrations et même ONG.

Existent aussi des éléments culturels, en particulier la conviction des hommes que tout leur est dû, sans effort et sans risque et que la démocratie est le régime du gouvernement de chacun par lui-même : parmi eux, les diktats de la science économique imposant la mondialisation et la rigueur budgétaire.

La destruction créatrice, chère à Schumpeter ne concerne pas que l’économie. Les sociétés semblent ressentir et accepter de manière instinctive que soit détruit ce qui bloque l’évolution vers une baisse des tensions qu’elles ressentent. Or, seules les catastrophes le rendent possible. Est-ce une leçon apprise du déluge ?

En l’occurrence, la crise du virus, survenant au moment de l’éveil d’une conscience écologique, va remettre en cause la mondialisation, dans ses manifestations les plus extrêmes, et plus généralement les idées et les organisations qui nourrissent l’impression qu’ont de plus en plus d’hommes d’être dépossédés de la maîtrise de leur destin. Le reprendre en main est une revendication portée par le populisme qui tendait déjà à se répandre dans le monde. L’exemple donné par la Chine dans la maitrise de la pandémie va conforter l’idée qu’un pouvoir fort est plus apte à défendre les intérêts vitaux d’un peuple que les démocraties, dont les débats rappellent trop souvent ceux des prêtres sur le sexe des anges dans Constantinople assiégée.

Paradoxalement, cette évolution, devrait conduire à moins de liberté et plus de maîtrise et devenir un axe d’organisation de la société, de la consommation à la production, du travail à l’habitat.

Ce dernier, largement structuré par les contraintes du travail va partiellement s’en affranchir, grâce au télétravail, à la robotisation, à la dispersion des lieux de travail collectifs, rendant obsolète une partie des réseaux de transport traditionnels au profit d’une mobilité nouvelle, plus porteuse de sens.

 

 

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