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De l’utilité des riches

Publié en novembre 2019
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

La presse s’est récemment emparée d’un sujet éternel : quelle est l’utilité des riches ? Bien des thèses révolutionnaires ont cru apporter la réponse : à rien et ils peuvent donc être ruinés ou guillotinés sans conséquences graves, en attendant que d’autres riches n’émergent.

En fait, mesurer l’utilité des riches, comme toute mesure, suppose un cadre de référence qui n’est généralement pas défini. Au mieux, il est implicite : développement économique de la société en général ou développement du revenu moyen ou recherche d’une égalité jugée moralement souhaitable par exemple.

De plus, la richesse est relative et son seuil difficile à définir. En 2007, François Hollande l’avait fixé à 4000 € par mois, sans dire s’il s’agissait d’un revenu net ou brut, ou d’un revenu par unité de consommation. A ce stade de généralité, une différence du simple au double ne lui importait d’ailleurs pas.

La qualification de riche a été mal reçue par des familles qui vivaient peut-être bien, mais avec des difficultés financières pour acquérir un logement ou payer des études aux enfants. En tout cas, être qualifiées de « riche » comme les 500 champions français en termes de patrimoine les a choquées.

Il est abusif de définir la richesse par un revenu dont la pérennité n’est jamais assurée. La richesse est un stock, non un flux et la crise financière de 2008 a vu nombre de traders dans l’obligation de vendre appartements, bateaux et voitures de luxe…

On pourrait définir la richesse comme étant un capital minimum pour vivre sans travailler, au moins aussi bien que le français moyen. Le revenu de ce dernier étant de 30 000 € par an, au taux actuellement servis par les compagnies d’assurance, il faudrait un capital de 2 millions d’euros.

François Hollande avait cependant raison sur un point difficile à faire admettre par les intéressés : réduire les inégalités au profit de la moitié la moins favorisée de la population ne peut se faire de manière significative par des transferts en provenance exclusive du un pour cent le plus riche de la société, même en les ramenant à la moyenne nationale. En termes purement arithmétique, l’effet serait marginal, à peine sensible pour les bénéficiaires. Pour qu’un transfert réduise réellement les inégalités, il devrait concerner tous les revenus supérieurs à la médiane, de manière progressive évidemment, mais celle-ci n’est que de 20 000 € par personne en 2019, c’est-à-dire bien inférieure à la limite fixée par François Hollande.

Quelles seraient les conséquences de pareils transferts ? De tous temps, il a été mis en évidence que la consommation des riches donnait du travail aux pauvres, argument vrai à court terme : l’impossibilité d’acheter des yachts supprimerait par exemple des emplois, sans pour autant augmenter immédiatement d’autres productions qui en créeraient.

Sur la durée, en revanche, les bénéficiaires des transferts et/ou l’État accroitraient leur demande de biens et de services et créeraient aussi des emplois, sans doute en moindre proportion car les produits de luxe sont riches en main d’œuvre et les produits de masse fortement industrialisés.

Les conséquences vraies dépendraient de la définition des riches : plus le seuil est haut, moins il y a de personnes concernées, plus leur propension marginale à épargner est forte. Les conséquences dépendraient de facteurs culturels : à un moment donné, dans un pays donné, les riches sont-ils essentiellement des entrepreneurs ou des rentiers ? La réduction de leur influence, c’est-à-dire de leur nombre ou de leur richesse a des conséquences préjudiciables dans le premier cas, potentiellement favorables dans le second cas, même si les rentiers mettent leur argent à disposition de l’économie par le truchement des banques et des compagnies d’assurance, qui peuvent financer des entrepreneurs sans capitaux. Ce seuil placé au niveau des classes moyennes dont l’épargne est essentiellement consacrée au logement aurait des conséquences économiques très négatives.

Il y a aujourd’hui énormément d’argent de par le monde mais l’esprit d’entreprise est insuffisant, ou ne trouve pas les capitaux nécessaires à son expression, ou bien encore se trouve entravé par des considérations extra-économiques. Comme les patrimoines sont de plus en plus intermédiés, il serait relativement facile d’orienter l’épargne de manière utile à l’intérêt général. Il est, par contre, plus difficile de susciter l’esprit d’entreprise, en particulier, s’il existe des menaces à terme sur la possibilité de jouir du fruit de ce travail pour soi-même et ses descendants.

Enfin, une part importante des gros patrimoines correspond à une surestimation des actifs. En effet, au cours de la première décennie du siècle, les patrimoines des français ont doublé et la moitié de cette croissance ne correspond pas à une épargne, c’est à dire à la fraction du revenu non dépensé, mais à l’inflation du prix des actifs. Elle ne peut faire l’objet d’une redistribution, puisque l’objet d’une telle mesure serait supposé être le transfert d’un droit sur la richesse réellement produite et qu’elle n’existe pas dans ce cas.

 

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