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Croissance et progrès

Publié en septembre 2022
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

L’activité économique des États-Unis a reculé au premier et au deuxième trimestre de 2022 mais le Président Biden et le président de la FED ont estimé que, malgré ces chiffres, le pays n’était pas en récession au vu de l’excellente tenue du marché du travail et que le PIB donnerait une image inexacte de la réalité.

Cette divergence d’appréciation n’est pas anecdotique. Elle illustre le débat entre tenants de la décroissance et de la croissance dans la perspective de la transition écologique.

Le PIB représente la valeur ajoutée de toutes les transactions de biens et services d’une période, dans un territoire donné. Les transactions étant valorisées, on dispose, à travers le prix, d’un élément commun permettant légitimement d’additionner des choux et des carottes, des tonnes d’acier et des médicaments.

Mais le PIB ne représente pas tous les éléments qui concourent à la satisfaction ou à l’insatisfaction du citoyen et, inversement, prend en compte des éléments auxquels il n’est pas nécessairement sensible : parmi les premiers, l’autoconsommation, le bénévolat mais aussi l’état de santé, la longévité, le plaisir que l’on retire du temps libre, etc.… Si l’état de santé de la population s’améliore et que ceci entraîne une baisse d’activité des professionnels, c’est un facteur de contraction du PIB et réciproquement… Il ne prend pas davantage en compte les externalités, c’est-à-dire l’appauvrissement de la planète dû à l’utilisation de ressources non renouvelables ou à la pollution.

Aux États-Unis, la différence d’appréciation évoquée ci-dessus provient de la baisse de productions à forte intensité capitalistique et de la hausse simultanée de services intensifs en travail tels que la restauration rapide.

Par ailleurs, la mesure du PIB lui-même est biaisée de diverses manières. En comparant la valeur globale de la production de deux années, on saisit le résultat de trois phénomènes imbriqués : la croissance en volume, la hausse des prix et l’émergence de produits nouveaux. Pour calculer le volume, on déduit de la production totale en valeur la hausse des prix mesurée par l’évolution d’un panier de biens et services identiques d’une année sur l’autre, panier dont la structure se différencie de celle de la production globale. Si le prix du baril de pétrole augmente de 50 % une année et que l’inflation est de 3 %, le PIB d’u pays producteur enregistre une croissance de la contribution du pétrole, à volume constant, de 47 % !

Si des produits sont entièrement nouveaux, faute de référence antérieure, la valeur de leur production alimente la croissance après déduction d’un indice d’inflation qui ne les concerne pas !
Malgré ces défauts, les changements de structure de la production d’une année sur l’autre étant marginaux, la comparaison donne des indications intéressantes.

Sur une longue période elle perd son sens.

Comment peut-on par exemple comparer le niveau de vie des Français médians de 1900 et 2022 ? Le PIB a été multiplié par 9. D’un côté un modeste paysan vivant pour une part de sa propre production, tirant l’eau du puits, s’éclairant à la chandelle, se chauffant mal au bois récolté par lui-même, disposant de quelques vaches et d’un cheval, n’ayant comme loisirs que la messe dominicale, des parties de cartes au bistrot du village et des discussions familiales le soir autour de la cheminée. De l’autre un salarié habitant un F2 de banlieue, passant 10 heures par semaine dans les transports collectifs, occupant un emploi de bureau, qui fait ses courses le week-end dans un supermarché, s’affale le soir devant sa télévision, mais dispose de l’électricité, de l’eau courante, d’une salle d’eau, d’une machine à laver, d’un réfrigérateur et surtout bénéficie d’une espérance de vie double de celle de son ancêtre tout en étant en relative bonne santé.

La multiplication par neuf n’a touché aucun élément caractéristique de la vie du premier, le second ne possède notamment pas neuf fois plus de chevaux que le premier. De la même manière, contrairement à ce que craignent certains écologistes, on ne verra pas se multiplier par 30 le parc automobile comme on l’a vu depuis la dernière guerre mondiale.

Le progrès principal serait d’apporter des satisfactions nouvelles et plus qualitatives aux consommateurs, même si les vecteurs en sont matériels comme les médicaments ou les réseaux de distribution d’eau, d’information ou d’énergie, dont l’importance va progresser fortement.
Il faudra aussi compenser la mise au rebut d’une part importante de notre patrimoine industriel ou privé (logements mal isolés par exemple).

L’effort est considérable pour éviter une régression qui serait doublement douloureuse : les usages et les structures sociales permettant autrefois de faire mieux avec moins ont été abandonnés. Par ailleurs le ressenti des citoyens dépend davantage des évolutions que du niveau absolu de leur train de vie.

Cet effort se traduira-t-il par une croissance du PIB ?

Pas nécessairement. Les concepts que sont le PIB par tête, le niveau de vie qu’il est censé traduire et le degré de satisfaction des consommateurs sont évidemment corrélés, mais avec une marge d’incertitude élevée qui n’interdit pas des évolutions divergentes.

Ainsi, remplacer le pétrole par son équivalent d’origine agricole, c’est-à-dire du travail et du capital, peut accroître le PIB à volume constant. Et le volume peut baisser sans affecter nécessairement la satisfaction du consommateur, par exemple si son coût double mais que l’efficacité énergétique des moteurs double également dans le même temps.

Le PIB est un indicateur utile, mais ce n’est qu’une image simplifiée de la réalité. Elle seule doit compter dans les décisions pour préparer l’avenir et dans le seul but d’améliorer la satisfaction des citoyens/consommateurs.

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