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Convictions collectives

Publié en août 2020
Président de l'Institut Diderot, fondateur, président du groupe d’édition Humensis et président d’honneur du groupe Covéa qui réunit les mutuelles d’assurance MAAF, MMA, GMF et PartnerRe.

Il est toujours difficile de comprendre pourquoi un groupe humain adopte une idée ou un comportement, qu’il s’agisse d’une croyance qui peut durer des siècles ou d’une mode qui ne dépasse pas une saison.

Le fantastique développement économique amorcé avec la révolution industrielle a conduit à penser que l’intérêt était la principale motivation des hommes et l’élément structurant de leur vie collective, à travers notamment les oppositions dominants/dominés, riches/pauvres, paysans/propriétaires, ouvriers/capitalistes. Mais l’intérêt économique n’explique pas tout et les groupes sociaux qui s’affrontent en raison d’opposition d’intérêts se fragmentent d’ailleurs souvent en sous-groupes en raison de différences culturelles. La religion, la langue, l’histoire peuvent jouer un rôle important, voire dominant et Francis Fukuyama n’a pas tort de nous rappeler que les sociétés peuvent s’affronter sur ces bases.

Et si l’économie peut être la cause première d’une guerre ou d’une révolution, elle ne paraît pas jouer de rôle dans le fait que le rose peut être à la mode une année et jugé démodé l’année suivante.

Un autre type de force semble agir dont la contribution à la vie collective est sous-estimé car a priori du domaine du seul individu : la psychologie. C’est pourtant elle qui détient les secrets des enthousiasmes et des haines des foules. La mémétique a commencé à éclaircir la manière dont les mèmes – idées, croyances, images, modes, etc… se diffusent de manière virale, mais les raisons du choix d’un objet de fixation plutôt qu’un autre, à un moment, reste le plus souvent obscur.

Vraisemblablement, le succès repose sur des correspondances inconscientes avec des images archétypales et sa fin est provoquée par des changements de l’environnement ou des rapports des individus avec ce dernier qui font disparaître ce phénomène d’écho. La répétition appauvrit l’impact émotionnel ou la confrontation d’une idée avec la réalité finit par en faire apparaître la vanité.

Les idéologies politiques et les hommes qui les défendent sont également portés par des vagues dont la puissance dépend de phénomènes psychologiques, qu’il s’agisse du succès à une élection sur la seule base d’une image, ou de phénomènes de fond.

Le décollage de la pensée écologique n’est pas dû à des considérations d’intérêts au sens classique, c’est-à-dire personnel et à court ou moyen terme, ni à des influences culturelles à contre-courant desquelles elle s’inscrit, mais davantage sur un besoin d’harmonie avec l’environnement et les autres. Des prémices en ont toujours existé, notamment dans le bouddhisme. Le phénomène nouveau est la rapidité et l’universalité de la conversion des jeunes générations et l’apparition d’icônes telles que celles qui ont accompagné le développement des religions.

Il y a toujours eu dans l’histoire des phénomènes collectifs, dans lesquels la psychologie a joué un rôle essentiel : on a vu par exemple, des pèlerinages importants s’organiser spontanément en direction d’endroits où un miracle était supposé s’être produit. Mais les réseaux sociaux jouent désormais un rôle essentiel, car ils permettent techniquement et socialement l’expression des individualités longtemps bridée, fortement codifiée ou parfois même sanctionnée par la société. Elle est désormais encouragée et chacun peut se présenter comme modèle, en témoigne l’étonnant exemple des « influenceurs ».

Les jeux vidéo offrent à tous la possibilité de s’approprier et de dominer des univers virtuels satisfaisant leurs egos.

Les réseaux sociaux permettent de bâtir des mondes virtuels à partir de la réalité : on peut y assassiner l’image de vrais êtres humains.

La guerre se fait sur écrans avec des drones, dirigés de bureaux climatisés…

On ne connait la réalité qu’à travers des représentations. Ses limites deviennent floues et imperceptibles à nos sens car on ne peut plus distinguer la nature réelle ou fictive de leur objet.

La société tend à devenir un rassemblement d’individus isolés et de groupes informels, plus ou moins stables ou éphémères, vivant entre réalité et virtualité…

La volatilité des convictions risque d’en être accrue et la gouvernance des collectivités, en particulier des États, d’en devenir impossible.

 

 

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